24/5/1917
Maman chérie
Enfin nous voilà relevés, et,
semble-t-il, au repos pour un bon bout de temps. Nous attendions cette relève
avec impatience car le regiment est très fatigué. Cette dernière periode a bien
été ce que disent les communiqués : une periode de coup de mains. Les
boches ne se consolent pas d’avoir perdu le chemin des Dames et surtout de coup
de mains pour en reprendre les morceaux, d’où marmitage, mitraillades, fatigues
et malheureusement pertes.
Nous avons poussé un soupir de
soulagement hier quand nous nous sommes trouvés à distance raisonnable des
boches. Le village où nous cantonnons très proche des anciennes premières
lignes, a été passablement abimé, mais il reste encore des toits, des murs, des
lits et même des civils. Il est noyé dans la verdure. En sommes sejour très
reposant. Je crois que nous ne tarderons pas d’ailleurs à aller plus à
l’arrière. Je suis encore auprès du colonel [Adrien Perret] et mange à sa
table, mais je suis affecté temporairement au 3ème bataillon, 11ème
Cie, où je vais prendre du service en attendant que ces cadres
soient reformés. J’ai l’impression que je vais avoir une vie très peu stable,
passer d’une Cie dans une autre, ce qui n’est pas drôle.
Quant à ma permission, il n’en est
pas question pour le moment. Très peu sont partis depuis mon retour. Si les
propositions de depart sont très fortes je ne desespère pas de venir pendant le
mois de Juin.
J’ai reçu hier de Mazargues [donc de sa tante Fanny Busck] un
paquet de friandises. Bonnes nouvelles de [Albert] Léo. En même temps tes
lettres des 10 et 21.
Si vous avez eu de l’eau à Cette
nous en avons eu notre part dans l’Aisne, et ça ne simplifiait pas notre vie de
tranchée, je t’assure.
Je viens d’interrompre ma lettre
pour aller reconnaître le patelin ou nous allons cantonner demain. Il est très
bien et toujours énormément de verdure. Je te quitte pour dîner.
Figures-toi que ce soir nous avons
des invitées. Elles ne sont pas du grand monde mais pas non plus du
demi-monde. Ce diner sera amusant car ces dames ont des prétentions
littéraires, et, je crois, très innocent.
Très affectueusement
J. Médard
Source : JMO du 132ème
R.I. - 24 mai 1917 |