mercredi 24 mai 2017

Chassemy (Aisne), 24 mai 1917 – Jean à sa mère

24/5/1917
            Maman chérie 

            Enfin nous voilà relevés, et, semble-t-il, au repos pour un bon bout de temps. Nous attendions cette relève avec impatience car le regiment est très fatigué. Cette dernière periode a bien été ce que disent les communiqués : une periode de coup de mains. Les boches ne se consolent pas d’avoir perdu le chemin des Dames et surtout de coup de mains pour en reprendre les morceaux, d’où marmitage, mitraillades, fatigues et malheureusement pertes.
            Nous avons poussé un soupir de soulagement hier quand nous nous sommes trouvés à distance raisonnable des boches. Le village où nous cantonnons très proche des anciennes premières lignes, a été passablement abimé, mais il reste encore des toits, des murs, des lits et même des civils. Il est noyé dans la verdure. En sommes sejour très reposant. Je crois que nous ne tarderons pas d’ailleurs à aller plus à l’arrière. Je suis encore auprès du colonel [Adrien Perret] et mange à sa table, mais je suis affecté temporairement au 3ème bataillon, 11ème Cie, où je vais prendre du service en attendant que ces cadres soient reformés. J’ai l’impression que je vais avoir une vie très peu stable, passer d’une Cie dans une autre, ce qui n’est pas drôle.
            Quant à ma permission, il n’en est pas question pour le moment. Très peu sont partis depuis mon retour. Si les propositions de depart sont très fortes je ne desespère pas de venir pendant le mois de Juin.
            J’ai reçu hier de Mazargues [donc de sa tante Fanny Busck] un paquet de friandises. Bonnes nouvelles de [Albert] Léo. En même temps tes lettres des 10 et 21.
            Si vous avez eu de l’eau à Cette nous en avons eu notre part dans l’Aisne, et ça ne simplifiait pas notre vie de tranchée, je t’assure.
            Je viens d’interrompre ma lettre pour aller reconnaître le patelin ou nous allons cantonner demain. Il est très bien et toujours énormément de verdure. Je te quitte pour dîner.
            Figures-toi que ce soir nous avons des invitées. Elles ne sont pas du grand monde mais pas non plus du demi-monde. Ce diner sera amusant car ces dames ont des prétentions littéraires, et, je crois, très innocent.
Très affectueusement 

J. Médard

Source : JMO du 132ème R.I. - 24 mai 1917