mardi 16 mai 2017

Sète, 16 mai 1917 – Mathilde à son fils

Cette le 16/5 1917
            Mon chéri 

            Heureusement hier oncle Fernand [Leenhardt] a eu la charitable idée de téléphoner à Hugo pr lui dire que Hervé [Leenhardt, le fils de Fernand] et toi étiez encore le 10 ensemble dans une grotte caverne… je ne sais… et mon tourment a pris fin pr cette fois.
            Depuis Vendredi j’étais sans nouvelles, quatre jours c’est long. Hier soir j’ai eu ta bonne carte me confirmant la chose.
            Quelle douceur pour moi de vs sentir un peu ensemble.
            La présence de Mr [Louis] Guilliny m’est aussi un réconfort. Comment se fait-il qu’il soit là. Tu n’avais jamais encore rencontré un aumonier. Et puis, penses-tu être sous peu à l’action ?
            Le remplacement[1] de [Robert] Nivelle par [Philippe] Pétain m’a ennuyée ce matin. Tout cela impressionne et est mauvais. Figure-toi à quel point l’espionnage est actif chez nous. La sœur de Mr [Paul] Corteel qui arrive de Roubaix ns racontait hier après-midi l’histoire suivante. Une dame de ses connaissances se trouvait en train seule avec plusieurs officiers allemands, il y a quelques jours. Elle s’entend appeler « Madame, Madame » mais croit se tromper ne voyant que ces casques devant elle. L’appel se renouvelle, elle dévisage alors ses compagnons et reconnait sous l’uniforme aborré les traits d’un Mr Hollandais qu’elle avait connu sur une plage de l’océan puis vu à Paris : Vous ici lui dit-elle ? et sous ce costume ? et votre famille ? Elle est à Paris lui fut-il répondu et je reviens de Paris les embrasser !!! Cela se passe de commentaire. Le Hollandais est un Allemand qui va à Paris quand il veut. C’est navrant que l’on ne puisse se défaire de tous ces espions.
            Ns avons passé la fin de l’après-midi hier chez tante Jenny [Scheydt]. Elle se plaint amèrement de sa solitude ; je voudrais être plus libre et l’entourer mais un peu l’ouvrage et beaucoup mes tourments quand je suis sans nouvelles, je n’arrive pas à sortir assez de moi-même pr voir mes semblables. Il y a au moins trois semaines que je ne suis pas allée chez tante Anna. Je les ai demain à prendre le thé.
            Na continue à occuper de ses sottises et pendant que je t’écris elle met à sac ma chambre ; le petit chat est de plus en plus son souffre douleur. Je ne desespère pas de le lui voir mettre dans le feu.
            Elle est superbe, belle comme jamais.
            Je te quitte pour aller la faire déjeuner. Je te serre bien étroitement sur mon cœur en demandant à Dieu de te bénir de te garder. 

Ta maman

[1] A la suite de l’échec de l’offensive du Chemin des Dames.