Cette le 16/5 1917
Mon chéri
Heureusement hier oncle Fernand [Leenhardt]
a eu la charitable idée de téléphoner à Hugo pr lui dire que Hervé [Leenhardt,
le fils de Fernand] et toi étiez encore le 10 ensemble dans une grotte caverne…
je ne sais… et mon tourment a pris fin pr cette fois.
Depuis Vendredi j’étais sans
nouvelles, quatre jours c’est long. Hier soir j’ai eu ta bonne carte me
confirmant la chose.
Quelle douceur pour moi de vs sentir
un peu ensemble.
La présence de Mr [Louis]
Guilliny m’est aussi un réconfort. Comment se fait-il qu’il soit là. Tu n’avais
jamais encore rencontré un aumonier. Et puis, penses-tu être sous peu à
l’action ?
Le remplacement[1]
de [Robert] Nivelle par [Philippe] Pétain m’a ennuyée ce matin. Tout cela
impressionne et est mauvais. Figure-toi à quel point l’espionnage est actif
chez nous. La sœur de Mr [Paul] Corteel qui arrive de Roubaix ns
racontait hier après-midi l’histoire suivante. Une dame de ses connaissances se
trouvait en train seule avec plusieurs officiers allemands, il y a quelques
jours. Elle s’entend appeler « Madame, Madame » mais croit se tromper
ne voyant que ces casques devant elle. L’appel se renouvelle, elle dévisage
alors ses compagnons et reconnait sous l’uniforme aborré les traits d’un Mr
Hollandais qu’elle avait connu sur une plage de l’océan puis vu à Paris : Vous
ici lui dit-elle ? et sous ce costume ? et votre famille ? Elle
est à Paris lui fut-il répondu et je reviens de Paris les embrasser !!!
Cela se passe de commentaire. Le Hollandais est un Allemand qui va à Paris
quand il veut. C’est navrant que l’on ne puisse se défaire de tous ces espions.
Ns avons passé la fin de
l’après-midi hier chez tante Jenny [Scheydt]. Elle se plaint amèrement de sa
solitude ; je voudrais être plus libre et l’entourer mais un peu l’ouvrage
et beaucoup mes tourments quand je suis sans nouvelles, je n’arrive pas à
sortir assez de moi-même pr voir mes semblables. Il y a au moins trois semaines
que je ne suis pas allée chez tante Anna. Je les ai demain à prendre le thé.
Na continue à occuper de ses
sottises et pendant que je t’écris elle met à sac ma chambre ; le petit
chat est de plus en plus son souffre douleur. Je ne desespère pas de le lui
voir mettre dans le feu.
Elle est superbe, belle comme
jamais.
Je te quitte pour aller la faire
déjeuner. Je te serre bien étroitement sur mon cœur en demandant à Dieu de te
bénir de te garder.