Cette le 25 7bre
Mon bien aimé
C’est hier soir à 7 h que j’ai retrouvé le home après un voyage bien long, bien terrible à tous les points de vue. Je me suis arrêtée quelques instants en gare où j’ai trouvé Suzanne qui attendait un convoi de blessés. J’ai trouvé ta chère première lettre depuis notre separation qu’elle a fait revivre d’une façon poignante. Si j avais su que tu reviendrais à la berge [?] je ne me serais pas éloignée si vite ! Personne ne me connaissant j’ai pu donner libre cours à ma peine lorsque je fus rappelée à moi-même par des soldats qui s’étant approchés ont dit : Ce n’est qu’une femme qui pleure ! Et maintenant je veux me reprendre et ne penser qu’aux precieuses heures que Dieu m’a accordé ! le réveil a été brutal… le séjour à Alais n’était pas fait pour me fortifier !
Tante Jeanne[1]
tjours sereine quand même remonte les siens et attend que tout soit perdu pr
laisser libre cours à sa douleur.
J’ai lu une lettre exquise du sous lieutenant
qui on le sent dit toute la vérite. Eugène[2]
est tombé au moment ou on sonnait la retraite quelques instants plus tôt il
était sauvé !
En se retirant il a été frappé et a crié à son
lieutenant : C’est fini mon lieutenant je perds mes forces prenez mes
papiers et mon argent et ce brave lieutenant laissant fuir seuls les hommes est
resté là un instant jusqu’à ce que les prussiens à qq mètres l’aient pris comme
cible alors blessé au poignet il a lâché les papiers.
Eugène a-t-il été relevé par eux, soigné et fait prisonnier, là est la seule lueur d’espoir est-il mort de ses blessures. C’est plus probable. Maurice[3] est parti et cet intérieur est triste triste. Ton oncle, Hélène[4] sont tjours malades. J’ai bien fait de m’arrêter chez eux. J’étais si fatiguée que je n’ai pas eu le courage de partir mercredi matin. J’ai attendu Jeudi.
La famille Beau vers 1905. Jeanne, à droite, lisant le journal. |
Eugène a-t-il été relevé par eux, soigné et fait prisonnier, là est la seule lueur d’espoir est-il mort de ses blessures. C’est plus probable. Maurice[3] est parti et cet intérieur est triste triste. Ton oncle, Hélène[4] sont tjours malades. J’ai bien fait de m’arrêter chez eux. J’étais si fatiguée que je n’ai pas eu le courage de partir mercredi matin. J’ai attendu Jeudi.
Très préoccupée par les premiers froids, par ce que
j’ai entendu dire en route sur les soldats qui en souffrent déjà. J’ai renoncé
à retourner aujourd’hui à l’Hopital pr aller acheter pr tous tricot et caleçons
de laine. Suzie m’a engagée à le faire et m’a accompagnée.
Je te prie, si tu m’aimes bien et de cela mon fils,
je ne doute pas, ta tendresse je l’ai sentie et j'ai senti surtout plus fort
encore ce que tu es pour moi donc je te prie le jour ou tu partiras tu laisseras
chez les Lafon tes caleçons de coton et tu endosseras [page
manquante ?]
Donne moi des détails sur tes derniers jours. Mon
cheri que Dieu te garde ! Oh comme
je le lui demande !! Mille tendresses de ta maman qui voudrait encore être
près de toi.
Alice prépare ton paquet pendant que je t’écris.
Elle t’envoie bien des tendresses.
Je ne puis joindre au paquet l’eau oxygénée, il
pèserait trop.
Peux tu en acheter à Pont ? C’est indispensable.
Si non je t’en enverrai.
[1] Jeanne
Médard, épouse Beau. Belle-sœur de Mathilde. Elle habitait Alès (alors
orthographié Alais). C’est chez elle que Pierre Médard, le père de Jean, était
mort brutalement en 1900.
[2] Fils de
Jeanne, donc cousin germain de Jean Médard.
[3] Frère
d’Eugène, autre fils de Jeanne.
[4] Leur
sœur.