Pont-St
Esprit 4 septembre 1914
Ma chère Maman
Changement d’adresse
Peloton des dis[pensés]27e compagnie
etc
Ce changement d’adresse correspond
d’ailleurs à un changement de regime. La classe 14 començant à rappliquer nous
avons evacué ce matin notre ecurie pour un casernement militaire propre, avec des
lits, des planches, des crochets, etc. Pas de trop naturellement, mais en
somme [?] veritable confortable.
Malheureusement, en même temps c’est
la vie de caserne qui commence en partie. Ce matin, il nous a fallu deja faire
notre paquetage former notre lit en carré complet, fourbir notre fusil, etc,
etc, etc. La liberté sera probablement moins grande. Plus de fuite le dimanche
à partir de 8 heures, plus d’achat de fruits ou de patisserie, car ns sommes un
peu hors ville. Il y a à peine quelques heures que je suis ici, je ne sais donc
pas encore si j’y perd ou si j’y gagne. Peu importe d’ailleurs.
Avant-hier je suis encore allé diner
chez les Lafon, j’y retourne ce soir. C’est une assez longue course, mais quand
même un vrai repos. Hier Lafon et son frère sont venus me voir et ns ns sommes
balladé assez tard au bord du Rhône. C’est vraiment un très gentil garçon, en
même temps sérieux, réfléchi. Ce que tu me dis des Brun et de leur attitude un
peu théatrale ne m’épate pas. C’est bien l’impression que j’avais moi-même.
Songes-tu réellement à venir me voir
un de ces jours Je serais bien heureux. Ce serait épatant. Viens passer plutôt
un Dimanche et avertis moi à l’avance que je puisse demander une permission de
toute la journée. C’est faisable.
Je commence à realiser un peu
l’horreur de la guerre. Maintenant que l’on connait des morts et que l’on
entend les recits de blessés ce ne sont + des « faits divers » qui se
passent à la frontière.
Léo[1]
est, parait-il, infirmier ds le train de Lyon au Midi ? A part ça je n’ai
de nouvelles de personne que celles que tu me donnes. Je pense bien à vous et
vous embrasse de tout mon cœur.
Jean
[1] Albert Léo.
Pasteur. Responsable de la Fédé. Ami de Jean. Mobilisé comme brancardier puis
comme aumônier militaire.