jeudi 4 septembre 2014

Pont-Saint-Esprit, 4 septembre 1914 – Jean à sa mère

Pont-St Esprit 4 septembre 1914
Ma chère Maman

            Changement d’adresse
            Peloton des dis[pensés]
            27e  compagnie
                        etc
            Ce changement d’adresse correspond d’ailleurs à un changement de regime. La classe 14 començant à rappliquer nous avons evacué ce matin notre ecurie pour un casernement militaire propre, avec des lits, des planches, des crochets, etc. Pas de trop naturellement, mais en somme [?] veritable confortable.
            Malheureusement, en même temps c’est la vie de caserne qui commence en partie. Ce matin, il nous a fallu deja faire notre paquetage former notre lit en carré complet, fourbir notre fusil, etc, etc, etc. La liberté sera probablement moins grande. Plus de fuite le dimanche à partir de 8 heures, plus d’achat de fruits ou de patisserie, car ns sommes un peu hors ville. Il y a à peine quelques heures que je suis ici, je ne sais donc pas encore si j’y perd ou si j’y gagne. Peu importe d’ailleurs.
            Avant-hier je suis encore allé diner chez les Lafon, j’y retourne ce soir. C’est une assez longue course, mais quand même un vrai repos. Hier Lafon et son frère sont venus me voir et ns ns sommes balladé assez tard au bord du Rhône. C’est vraiment un très gentil garçon, en même temps sérieux, réfléchi. Ce que tu me dis des Brun et de leur attitude un peu théatrale ne m’épate pas. C’est bien l’impression que j’avais moi-même.
            Songes-tu réellement à venir me voir un de ces jours Je serais bien heureux. Ce serait épatant. Viens passer plutôt un Dimanche et avertis moi à l’avance que je puisse demander une permission de toute la journée. C’est faisable.
            Je commence à realiser un peu l’horreur de la guerre. Maintenant que l’on connait des morts et que l’on entend les recits de blessés ce ne sont + des « faits divers » qui se passent à la frontière.
            Léo[1] est, parait-il, infirmier ds le train de Lyon au Midi ? A part ça je n’ai de nouvelles de personne que celles que tu me donnes. Je pense bien à vous et vous embrasse de tout mon cœur.
 
Jean

[1] Albert Léo. Pasteur. Responsable de la Fédé. Ami de Jean. Mobilisé comme brancardier puis comme aumônier militaire.