Plélo,
14 novembre 1915
Maman cherie
Je t’abandonne un peu. Je ne veux
pas que cette journée de Dimanche se passe sans une lettre à toi. Elle a été
bien remplie, Jean Lichtenstein étant venu me voir. Il n’est pas aussi bien au
pt de vu sante, que ce qu’on te l’a dit à Cette.
[Yves] Delage, le prof. de l’institut, qui dirige la station de Roscoff l’a
ausculté. Il a le sommet du poumon très congestionné. Il n’a pas le courage de
recommencer une année à Roscoff ds la solitude. Il va donc revenir ds le Midi.
Je l’en ai felicité car cette absolu isolement n’est bon ni pour sa santé ni
pour son moral. Il ne se soigne pas et souffre beaucoup. Pour moi je le
regrette, naturellement, et je compte aller à Roscoff Dimanche prochain le
dernier qu’il passe en Bretagne.
Ici nous avons passé une bonne
journée, malgrès le mauvais temps. Je l’ai ceuilli à la gare de Châtelaudren. A
Châtelaudren nous avons visité ensemble une vieille église très curieuse et
longé un vieil étang très melancolique. A Plélo, pendant que ma propriétaire
nous préparait un repas frugal ns sommes allés ns promener jusqu’à ce vieux
château abandonné à travers les bois, entouré de fossés, très triste. Après
déjeuner nous avons bavardé longuement près d’un bon feu de bois, en oubliant presque
l’heure du départ. Ce soir je t’écris de chez ma proprio. qui ne veut pas que
je reste au froid dans ma chambre.
T’ai-je raconté la soirée que j’ai
passée avec quelques ss-lieutenants de la garnison, pour le depart de l’un d’eux
Bastien, sur le front. Un très brave garçon ; un peu gosse mais enthousiaste.
Les autres assez insignifiants, tous anciens sous-officiers. On a bu force
bouteilles, champagnes, et chanté force chansons plus ou moins propres.
"Quatre sous-off à Plélo" Photo légendée par Jean Médard, debout à droite |
Demain 2ème piqure
anti-thyphoïdique ; j’espère que ça se passera mieux que la dernière fois.
J’ai reçu ton paquet. Merci, merci
beaucoup. Tout a été reçu avec joie. Ns avons dit un mot au saucisson avec
Jean. Malheureusement le thé s’était rependu, j’ai pu le ramasser il n’a pas
perdu son arum.
Bien tendrement à vous tous
Jean