vendredi 27 novembre 2015

Châtelaudren, 27 novembre 1915 – Jean à sa mère

Châtelaudren 27-11-15
            Maman cherie 

            Je reçois à l’instant ta lettre du 23. Je ne comprends pas que tu n’ai pas encore reçu une lettre que je t’ai envoyé Samedi pour te parler de mon passage à Châtelaudren. Il me semble au contraire que je t’ai ecrit assez souvent ces temps-ci. Ci-joint les discours dont je te remercie et deux cartes postales des ss-off. de la 19ème.

Jean au deuxième  rang, debout juste derrière le troisième homme assis à partir de la gauche.
            Rien de nouveau ici. Je pars ce soir pour Brest, où je passerai la journée de demain. Puisque [Adrien] Batailler ne veut pas t’examiner, va à Montpellier ; ça en vaut la peine, et consulte Rauzier ou [Joseph] Grasset, ou [Emile] Tedenat.
            Pour oncle Marc [Benoît] je vois à peu près quel genre de lettre il a pu t’écrire. Ne t’en affole pas. Ne lui reproche pas d’être pour toi un zero au pt de vue appui moral, ce serait envenimer les choses Dis-lui que tu ne comprends pas entre frère et sœur une susceptibilité pareille., que tu étais régulièrement tenue au courant de son état par tante Fanny et qu’avec la vie que tu mènes depuis un an, les secousses par lesquelles tu passes, tu as certainement le temps de penser à ceux que tu aimes, mais tu n’as pas toujours le temps de le leur dire ; que si tu ne lui ecris pas beaucoup il te le rend bien, et que tu n’as jamais eu l’idée de mesurer son affection au nombre de lettres que tu reçois de lui, etc.
            Tu peux lui faire un emploi de ton temps depuis le 1er Janvier de l’année dernière. Il a peut-être oublié que j’avais été blessé, que Suzanne a accouché, et qu’elle a été assez malade depuis, que tu es garde-malade. Tu peux lui presenter les choses moins aigrement que ce que je le fais ici mais tu sais que rien ne m’exaspère comme la susceptibilité.

Bien à toi

Jean