Châtelaudren
21 novembre 1915
Maman cherie
Un mot un peu rapide : comme tu
le vois par l’en tête de ma lettre j’ai changé de patelin et de compagnie.
Ci-contre ma nouvelle adresse. Je ne suis pas encore parti pour le front mais
mon depart approche puisque me voici en première categorie. J’aurai ici une vie
plus interessante qu’à Plélo, au point de vue militaire, plus absorbée aussi.
J’ai quitté non sans peine mes amis de la-bas et ma brave propriétaire.
Ici j’ai trouvé une chambre beaucoup
moins bien, mais bien meilleur marché.
Hélas ! la perspective de
vacances à Noël me parait bien impossible. Je ne serai plus ici à ce moment là
probablement, et même alors… Ce que je pourrais peut-être avoir peut-être,
c’est une permission de 4 jours (sans compter le voyage) quelques jours avant
le depart. Nous en reparlerons. Ce serait si bon de pouvoir encore s’embrasser.
Samedi après-midi j’ai amené 100
hommes de la 29ème à la 30ème. Je me suis amené moi-même,
ai retenu une chambre pour la modique somme de 15 fr. par mois. Le soir je suis
parti pour Roscoff où j’ai retrouvé une dernière fois J. [Jean] Lichtenstein, avec joie. J’ai diné avec
lui, couché à l’hôtel. Le lendemain matin ns sommes partis à pied pour
St-Pol-de-Léon par une triste route Bretonne. J’ai admiré là les plus beaux
clochers de Bretagne. Nous en sommes repartis à 11 heures. Il m’a payé un bon
repas ds le meilleur hotel de Morlaix. Nous avons passé une bonne après midi un
peu melancholique de promenade et d’intimité. A 6 h ½ ns ns sommes quittés, je
me suis arrête à Guingamp où j’ai été toujours cordialement reçu par les
Bruneton, et suis rentré assez tard ds ma petite chambre.
Le matin au tir avec la compagnie,
nombreux officiers et ss-offs assez sympathiques.
J’ai reçu ta bonne lettre du 16.
Je vous embrasse tous bien
tendrement.
Jean