Villa de Suède 25 Juillet 1915
Ta tante Anna passait
hier l’après-midi ici et était là quand je reçus à 6 h du soir ta lettre.
J’étais toute heureuse à l’idée de cette course du Revard si tentatrice et que
toi, au moins, tu as pu faire. Est-il aimable ce lord anglais et
l’avez-vous bien remercié ? Il fallait que ton esprit fut fort absorbé par
cette vision de rêve pr oublier l’invitation de ton docteur. Elle a une vraie
malchance mais c’est une gaffe fière que la leur, vs ne vous devez plus rien
réciproquement. [La lettre à laquelle répond Mathilde manque, sa phrase est du
coup peu claire.]. Ne penses-tu pas que
je ferais bien de leur écrire avant ton départ ?
J’ai reçu hier une
gentille lettre de [Daniel] Loux que
je joins à ma missive et une lettre charmante dans la même enveloppe, de Hélène
Mac Aun [?] ! Comme le dit
Loux le monde est bien petit. Je me
demande quelle impression a Loux d’Hélène. Elle, me parle de cette exquise
famille Loux avec laquelle elle voisine et prend le thé et qui parlait de nous
devant elle tout à fait au hasard.
Ns continuons notre
tranquille petite vie et Suzie ne paraissait pas plus ennuyée que nous de
l’arrivée de ton camarade[1]. Le seul ennui eut été
qu il fut là au moment des couches. On se serait arrangé…
J’ai été au temple ce
matin. C’était plus qu’au dessous. J’en étais attristée car il y avait des
hommes dans l’auditoire. Le texte se délayait autour de « la
solitude » « La solitude de Jesus ». Ns devons ns isoler pr réfléchir
à nos actions à celles des autres et tout était là. Rien de travaillé, bien sûr[2].
En passant par chez
nous, j’ai trouvé une carte d’un jeune Théodore Guirauden (le fils je crois du
pharmacien) qui me dit que, prisonnier de guerre pendant 11 mois avec le
sergent Beau [Eugène Beau, cousin germain de Jean] au camp de Konisburg[3], il m’apporte de ses
nouvelles qui étaient bonnes lorsqu’il le quitta. J’ai reçu ce matin une lettre
de tante Jeanne [Beau] me disant son départ pr Villefort en Lozère ou elle va garder
Simone [sa petite-fille, fille de son fils Maurice Beau, mort le 2 mai 1915
aux Dardanelles] souffrante de la
dentition. Elle sait qu’un Cettois prisonnier est revenu et me demande d’aller
aux informations. Je lui adresse cette carte et irai demain matin voir le jeune
Guirauden. Si j’étais libre, j’irai m’installer quelques jours auprès de ta
tante, rompre cette solitude qui doit être terrible en ce moment. Peut être
est-ce tout le contraire et que l’isolement des siens [?] lui sera salutaire. Elle aura le droit
d’être à sa douleur.
Debout : au
milieu Henri Ertz, à droite Eugène Beau. Source : Sébastien Ertz, collection particulière ©
Henri Ertz (1891-1932), sergent au 4ème BCP et arrière-grand-père
de
Sébastien Ertz, était prisonnier dans le même camp qu'Eugène Beau.
Son arrière-petit-fils Sébastien, en cherchant la trace des camarades
de captivité de son aïeul, a trouvé la mienne et
a eu la gentillesse de me
communiquer cette
photo. Qu'il en soit ici
vivement remercié.
Voir aussi la lettre de Mathilde du 7 novembre 1915.
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Emilie Laporte a un
gros garçon. Je souhaite cela à Suzie, une fillette sera plutôt mal venue, la
pauvre ! Comme il me tarde si tu savais que ce moment soit passé et prtant
je n’ai point de hâte de voir passer les jours en ce moment. Ne hâte tjours
rien tt le temps là-bas est bon pour toi et tu ne t’y ennuies pas c’est
l’essentiel.
Longue lettre de tante
Fanny. Annie a vu Edouard [Edouard Houter, son mari] 6 jours près de Paris où elle est encore. Oncle Georges [Benoît] vient de passer huit jours auprès des siens,
tante Suzanne l’a écrit à tante Anna et il a donné des conférences très
interessantes.
Mon grand chéri je te
quitte pr aller à la poste non sans t’embrasser bien fort.
Amitiés aux dames qui se
souviennent de moi.
Ta maman qui t’aime bien
Et ces cheveux les soignes-tu ?
[1] Oscar Larose, selon toute vraisemblance. En effet, dans une lettre du 27 mars 1916, Jean écrira : « Les sergents qui suivent un cours de leur côté étaient avec moi, et je n’ai pas été peu étonné de voir parmi eux Larose, le petit sergent du 166, qui était dans la même salle d’hopital que moi à Aix, que je voulais amener à Cette en permission. Il est maintenant ds un regiment de ma division, et j’aurai peut-être l’occasion de le revoir. »
[2] Pierre Médard (1860-1900), prédécesseur du pasteur dont Mathilde critique ici (et parfois ailleurs !) le sermon, était très réputé pour ses prédications.
[3] Une recherche en ligne montre que le nom du camp était Königsbrück.
[1] Oscar Larose, selon toute vraisemblance. En effet, dans une lettre du 27 mars 1916, Jean écrira : « Les sergents qui suivent un cours de leur côté étaient avec moi, et je n’ai pas été peu étonné de voir parmi eux Larose, le petit sergent du 166, qui était dans la même salle d’hopital que moi à Aix, que je voulais amener à Cette en permission. Il est maintenant ds un regiment de ma division, et j’aurai peut-être l’occasion de le revoir. »
[2] Pierre Médard (1860-1900), prédécesseur du pasteur dont Mathilde critique ici (et parfois ailleurs !) le sermon, était très réputé pour ses prédications.
[3] Une recherche en ligne montre que le nom du camp était Königsbrück.