mercredi 4 janvier 2017

Sète, 4 Janvier 1917 – Mathilde à son fils

Villa de Suède, le 4 J. 1917
            Mon bien aimé 

            Je ne t’ai pas écrit hier prise dans l’après-midi par des choses urgentes. J’ai été voir Mme Néri Julien [née Jeanne Jalabert] ; son mari étant très malade et donnant les plus sérieuses inquiétudes et après tante Anna que j’ai trouvée plus démoralisée et abattue qu’au moment de la mort de son propre fils. J’ai tort de dire abattue car elle est au contraire très excitée surtout contre tous les embusqués ; elle a la plus triste mine que l’on puisse voir cela fait pitié Mais j’ai souvent sur la langue de dire… mais alors………..et Lucien ? Je ne dis rien car elle me fait de la peine. Je crains qu’elle soit sérieusement atteinte. Elle dit perdre un vrai fils, un vrai soutien avec Alexandre [Egg] ! Lucien [Benoît] son seul ami. Elle parle bcoup de sa vaste intelligence qui donnait les plus grandes espérances. Les prières ardentes des enfants non exaucées la laissent semble t il un peu révoltée. J’ai tort de dire cela ; elle est surtout très excitée. J’irai cette après midi avec mon ouvrage car un refroidissement la retient au logis.
            J’ai eu une charmante lettre de [Daniel] Loux ; bien délicieuse que je voudrais te communiquer, il me fait toucher du doigt mon devoir de mère chrétienne et cela si simplement.  J’ai eu aussi un mot de sa mère [Louise Juliette Grasset, veuve du pasteur Elie Loux]. Elle avait télégraphié pendant que ns étions à Marseille pour savoir ce qu’était devenu son fils et elle vs espérait ts deux à Lyon prquoi je ne sais elle est très deçue de n’avoir pu faire ta connaissance. Mon fils me dit-elle ns écrivait qu’il jouissait par tous les pores.
            Tu me vois entrain de t’écrire au bureau avec « Na » suspendue à mes jupons, me harcelant pr que le prenne sur mes genoux. Je l’ai retrouvée, encore en prospérité, plus grosse, plus rose, des pommes d’apis cette fois sur les joues. C’est un bien cher bijou qui m’aide à vivre.
            Je suis sans nouvelle de toi encore et cela me désole. Ne rien savoir après ces journées exquises de la même vie ! Enfin j’espère pour ce soir…
            Hugo m’a prévenue ce matin qu’il fallait aller préparer mon déménagement et je vais commencer des caisses de livres, ce qui me coûte le plus à faire.
            T’ai-je dit que j’avais fait un voyage exquis avec les Fernand [Leenhardt]. Ses deux derniers petits [Denis Leenhardt et Alain Leenhardt], sont ravissants si éveillés si intelligents et bien élevés. C’est la famille rêvée ! Je t’ai beaucoup excusé de n’avoir pu aller jusqu’à eux et ils ont paru le comprendre. Fernand s’adressant à Denis lui a dit : Tu vois cette tante Mathilde, elle préfère à nous oncle Eugène [Leenhardt] et tante Marie [Maze épouse Leenhardt].
            Leur fils René [Leenhardt] n’a pu s’acclimater à Louis-le-Grand et on l’a mis en en pension dans une famille.
            Suzie attend ma lettre. Je te quitte à regrets espérant savoir bientôt ce que tu deviens.
            Que Dieu me garde mon tresor bien cher et le ramène au foyer cette année.
            Bien vite toutes les plus chaudes tendresses. 

Ta maman