Villa de Suède le 11 Janvier 1917
Mon brave chéri
Ma surprise a été grande hier soir
au reçu de la lettre du 4 déjà vieille de six jours.
Je ne sais jamais s’il faut se
laisser aller à la pénible impression que cause un changement quel qu’il soit ;
j’ai été vraiment attristée sans avoir prtant beaucp réfléchi à la chose.
Je crois que tu aimais ton général
et tu as du aussi avoir de la peine à le quitter. Ce qu’il y a d’important
c’est que tu ne quittes ni ton commandant, ni tes camarades ni ton colonel
n’est-ce-pas. et pr le reste Dieu est là et pourra te préserver s’il le juge
bon, aussi bien au secteur 133 qu’ailleurs et tu ne vas pas à Salonique
n’est-ce-pas ?
Je ne suis pas ravie non plus de te sentir caracoler
sur un cheval rétif toi qui ne savais pas monter le cheval le plus
paisible ! Et dire que ce simple fait pouvait autrefois m’empêcher de
dormir. Il y en a maintenant de plus graves pour troubler mes nuits prtant
assez bonnes en ce moment.
Je suis navrée que tu ne puisses amener auprès de toi
le pauvre [René] de Richemont. C’était pr sa mère [Hélène de Richemond, née
Leenhardt, cousine au 3ème degré de Mathilde] un vrai réconfort que
cette pensée.
Je suis tjours très occupée, très prise par les soins
de bébé, et je ne puis quecrire [?] difficilement ces temps-ci. Nous n’avons
pas Marie, cela augmente la besogne. Tante Berthe [Mazade, veuve de Marc
Benoît] est venue déjeuner ; les dames Benoît ont passé l’après-midi. Na a
fait tous les frais de la reception ; ta tante était ravie conquise par ce
petit bout.
Hugo a passé la journée à Montpellier à cause de son
procès avec Simonot qui se plaidait aujourd’hui. Maître Bernard de Paris bâtonnier
à la Cour a parait-il été merveilleux et ton beau frère est revenu assez
réconforté. Suzie est allée le chercher à la gare pendant ce temps j’ai donné
le bain et c’est le soir seulement que je puis être à toi, bien ennuyée si mes
messages de tendresse se font beaucoup attendre à cause de tes pérégrinations.
Comme je voudrais savoir où tu es, où te chercher !
Mais à ce moment même tu es peut-être loin encore de ce coin où je te crois.
Il fait terriblement froid et le charbon ns est
mesuré ; maintenant c’est le gaz aussi. Je n’ose plus m’attarder à la nuit
car le chemin de la Caraussanne est noir comme un four. Je suis devenue fort
poltronne Je laisse volontiers sortir Suzie à ma place et ne demande qu’à
prendre sa place au logis. C’est ainsi que j’abandonne nos quelques amis. Mme
Néri [Jeanne Jalabert, épouse de Néri Julien] dont le mari est tjours assez malade
et qui se plaint de mon abandon.
Nous avons eu hier avec ta sœur [mot illisible] Mme
Frisch [Louise Cormouls, veuve Frisch] et sa fille [Olga Frisch veuve Benker],
toutes deux bien douces et paisibles dans leur douleur.
Je te quitte mon aimé pr aller chercher le sommeil une
vraiment bonne chose lorsqu’on peut le trouver.
Je pense sans cesse à toi aux heures bénies de notre
chère et douce réunion et je t’envoie [mot illisible] de ma grande tendresse.
Ta maman
Ce soir une lettre ravissante de Melle
[Léo] Viguier que je t’enverrai demain.