samedi 28 janvier 2017

Le Pont, Saulchery (Aisne), 28 janvier 1917 – Jean à sa mère

29/1/17
[Sans doute encore une erreur de date.]

            Maman chérie 

            La correspondance semble devenir plus régulière. Je viens de recevoir ta lettre du 24. Eh ! bien rien de nouveau depuis le 17. Toujours le même patelin ds la vallée, toujours la même maison inhabitée, mais occupée présentement par le commandant, le capitaine et moi. Actuellement pourtant le commandant n’est pas là. Il suit un cours de 48 heures à Paris, non sans enthousiasme. C’est son adjudant-major le remplaçant du capitaine Baudin, qui commande le bataillon en son absence : capitaine Barranque-Chinanon un spécialiste de l’escrime, une des plus fines lames de France. Il n’a rien d’un pourfendeur d’ailleurs. Homme très pacifique.
            La sœur de G. [K.G. anonymisé par l’auteur du blog] ? Pas grand-chose à en dire. Un peu prétentieuse. Aujourd’hui dans la ville ce doit être encore une grande agitation : 2 concerts, un l’après-midi pour les militaires, un le soir pour les civils. G. doit être dans ses petits souliers.
            Sais-tu des fiançailles qui t’amuseront ? celles de Robert Pont avec Marguerite Doumergue, une nièce du doyen [Emile Doumergue, doyen de la faculté de théologie de Montauban]. Je le savais depuis quelque temps, mais il ne fallait pas le dire. Je pense que c’est officiel depuis. Léo Viguier me dit qu’elle connaissait depuis 2 ans les photos et le catalogue des vertus de la jeune fille. Robert est en permission et doit filer le parfait amour.
            Un mot gentil de Mme Grauss [Elisabeth Meyer, épouse Grauss].
            Je suis toujours au lit. Clément ne veut absolument pas me laisser sortir avec le temps qu’il fait. Je suis d’ailleurs assez docile, me gargarisant et me badigeonnant consciencieusement. J’ai reçu un mot gentil d’oncle Fernand [Leenhardt].
            Et cette Na, comme elle doit vous amuser, que Suzanne prenne des photos d’elle – sur 2 ou 3 rouleaux elle en reussira bien une -  et envoyez-m’en. Il faut que je la reconnaisse quand je reviendrai. Quand demenagez-vous.
            Je viens d’avoir la visite de Linpens. Maintenant que la 5 fait popote seule, et qu’on a droit qu’à 1 cuisinier, c’est Ouvier, mon ordonnance qui l’aide. Il est roulant, se désespère de ses étourderies et l’engeule comme du poisson pourri. Quand à Gauchy (Mohamed) il est devenu brancardier.

Mille tendresses. 

Jean