Villa de Suède le 24 Janvier 1917
Mon chéri
Ce soir ta bonne lettre du 17 qui est donc arrivée avec
un jour de retard sur celle du 18. Je sais enfin par elle que tu as changé de
place après 35 K. avalés d’un coup (C’est vraiment par trop de gourmandise).
C’est amusant de songer que tu dois être si prêt de l’endroit où ns avons vécu
ensemble. Il me semble en effet que G. [G.K. anonymisé par l’auteur du blog]
était très près de son pays natal quand j’étais là. Serez-vous là quelque
temps ? As-tu pr toi seul toute une vaste maison ? j’avais bien cru
voir que c’était un garçon peu éduqué, mais je ne le croyais prtant pas fils de
paysan ? Comment est la sœur ?
Je suis allée promener ce matin avec Na et au retour
elle a eu des tas de choses à raconter à son papa. Elle a joué sur le chemin
avec la petite « réfugiée » comme une fillette de cinq ans. Ce soir Mme
Duret-Shackelton nous a conté toutes ses peines au sujet de la fille de son
mari qui vient d’épouser le fils du pasteur Seguin[1],
malgré la volonté du père Seguin. La vie continue, villa de Suède, tous
doucettement entre mes deux filles. Je suis occupée fort heureusement et vais
l’être [mot illisible] ns avons demain les clés du nouvel appartement. Rien ne
m’empêche d’être tout près de toi, toujours, et le soir dans la solitude de ma
froide petite chambre ; dans mon lit je t’envoie toute ma pensée et toute ma
tendresse.
Je t’embrasse mon grand chéri avec tout mon amour.
Ta maman
[1] Isabelle
Emilia Shakelton, épouse du pasteur Jules Seguin, lui-même fils du pasteur Siméon Jacques Seguin.