13/1/17
Maman chérie
J’ai reçu la bonne lettre de Suzon
hier. Ici pas grand-chose de neuf. Si pourtant ! Hier un renfort est
arrivé à la Cie ; il était composé en majeure partie de mes
anciens poilus blessés à Verdun et dans la Somme. Ça m’a fait bien plaisir de les revoir, et à
eux aussi un peu. J’en ai beaucoup dans ma section. Il y a là dedans de très
braves types.
T’ai-je dit que le commandant [Rivals] était
rentré de permission depuis quelques jours ? La vieille grand’mère Monnier[1]
est morte, quelques jours à peine après le retour de son fils Jean rappatrié
d’Allemagne.
J’ai reçu de [Daniel] Loux un petit
bouquin de W. [Wilfred] Monod que je desirais beaucoup. Les exercices
deviennent plus fréquents mais j’ai quand même toujours de bonnes heures à
passer dans ma chambre près de mon feu de bois au milieu de mes bouquins et
plus près de tous les miens.
Je vous embrasse tendrement.
Jean
[1] Adèle Legrand (1831-1917) veuve du pasteur Edmond Monnier et mère de Jean et
Henri Monnier, les professeurs de Jean à la faculté de théologie de Paris.
L’annonce de cette mort suivant immédiatement celle du
retour de permission du commandant Rivals, ainsi que l'expression "la vieille grand-mère Monnier" montre que c’est du commandant que Jean a appris la nouvelle. Madame Monnier mère était en effet la
grand-mère de madame Rivals. (Cf. lettre de Jean à sa mère, datée du 27 juillet
1916 : « Figure-toi que le capitaine
Rivals mon chef de bataillon, avec qui je prends tous mes repas, est le neveu
authentique de Jean et Henri Monnier, il a épousé
la fille d’une de leurs sœurs. Ça m’a amusé de nous trouver ainsi en pays de
connaissance. »)