samedi 27 mai 2017

Sète, 27 mai 1917 – Mathilde à son fils

Cette le 27/5 1917
            Mon fils, mon fils chéri 

            La grande maison est plus silencieuse que jamais ; et rien ne vient me distraire de mes pensées toutes à toi car Na dort les deux poings fermés… C’est une longue journée de Pentecôte bien solitaire et j’aurai besoin de recevoir un message de toi que je n’ai pas eu hier… J’aurais bien cru que tante Anna viendrait s’informer de nous peut être le fera t elle ce soir !
Que fais-tu aujourd’hui. Ce repos n’est il pas enfin chose acquise ? Comme je le souhaite mon bien aimé et comme la solitude me serait légère si je le savais.
Je ne sais trop où j’irai promener ma petite ce soir, chez les Pont sans doute, car errer par la ville ne me tente guère. Le jardin manque bien parfois.
J’ai été ce matin entendre [le pasteur Jules] Brun qui recevait [?]. Son fils était du nombre des catéchumènes et je ne m’en suis doutée qu’aujourd’hui. N’est-ce pas impardonnable ? Son texte était Parle parle Seigneur ton serviteur écoute – pas mal.
            Hier j’ai trouvé sur la plage du diable Suzanne Monnier, ses enfants ; Yvonne Benoît [née Bouscaren]. Il y faisait une brise délicieuse Na a fait les frais, elle a distribué des discours à chacun. L’horizon était sillonné pas nos pauvres navires marchands il y en avait sept ou huit qui marchaient en escadre. On a pris maintenant la détermination de les faire aller par troupe et je crois que c’est mieux ainsi. La mer était si paisible, comment imaginer qu’elle cache tant de traitrise, tant de drames douloureux !
            Ma lettre a été [mot illisible] interrompu hier par le réveil de Na, intempestif. Elle appelait j’ai couru, elle tremblait sur son lit comme une feuille de tremble. Je n’ai pas ajouté d’importance et l’ai habillée pour sortir. En arrivant chez les Pont j’ai reconnu qu’elle était malade. Brûlante elle ne quittait pas mes genoux ; je l’ai néanmoins tenue au jardin. En revenant à sept heures, elle est demeurée inerte sur mes genoux et j’ai constaté 39,8 de fièvre. Tu conçois mes alarmes. J’ai fait appeler le docteur en toute hâte ; sur ces entrefaites tante Anna est enfin venue avec ses filles. J’étais très inquiète. Le docteur m’a rassurée ne constatant rien d’alarmant, un simple refroidissement sans doute. La nuit a été mauvaise mais elle joue ce matin dans la maison tout en étant exigeante pour Mourmures [?].
            J’étais si heureuse hier soir, d’avoir de tes nouvelles et des bonnes. Peut être es-tu enfin à cette heure au repos. Tu peux te dire que tu es dans les huiles grasses ! Comment as-tu été si vite connu et apprécié de tes nouveaux chefs il faut dire que le général est le même. Je suis bien heureuse de cela. C’est aussi encourageant pour toi.
            Je te laisse pour m’occuper de Na. La voici qui accourt sur mes genoux, plus rien à faire.
            Je te serre étroitement sur mon cœur.

Ta maman