mardi 2 mai 2017

Sète, 2 mai 1917 – Mathilde à son fils

Cette le 2 Mai 1917
            Mon grand aimé 

            Voilà ce temps fini qui me donnait un peu d’apaisement dans les angoisses. Ta lettre du 25 reçue hier au soir me dit que tu es déjà de retour à la 5e où je te suis avec infiniment d’amour et de tristesse comprenant celle qui inonde ton cœur.
            Encore et toujours que Dieu soit ton secours dans ces heures de mélancolie qui seront profondes parce que tu auras plus de temps pour penser.
            Mais je ne comprends pas pourquoi tu n’es pas resté "officier de liaison" ? N’était-ce pas une nomination définitive ou le changement tient il au changement de colonel qui en aurait voulu un autre ? Dis moi tout cela et si tu es aussi bien vu par ton colo que par le colonel Théron…
            Pour ce qui est des objets disparus c’est attristant par ce que tout cela va te manquer jusqu’à ce que tu l’aies à nouveau mais c’est bien sûr peu de chose puisque toi tu es là. Seulement, faut il que je te les remplace et ne te gêne en rien. J’ai de l’argent à toi dis moi ce que tu n’as pu remplacer bien vite. Tu sais que je ne veux pas que tu sois sans manteau de caoutchouc, mais il vaut mieux le faire venir de Paris. Dis-moi si tu t’en es occupé – et ce que tu comptes faire.
            Ici rien à conter de notre vie toujours la même.
            J’ai eu hier une lettre de tante Fanny en même temps que la tienne. Rudy [Busck] a eu des pertes dans sa batterie, alors sa mère et son père sont très navrés. Il supplie qu’on lui envoie des paquets et surtout tabac et cigarettes presque impossibles à se procurer. Tu n’en demandes pas ; en as-tu ?
            Annie [Busck ép. Houter] est partie pr Paris voir Edouard [Houter] sans doute. Si ns sommes à temps on pourrait s’adresser à elle pr l’achat du caoutchouc.
            Je n’ai pas de nouvelles de mon pauvre Lalouette. J’ai bien peur.
            Hugo est toujours fatigué, Suzie l’exhorte à prendre du repos, elle parle beaucoup de partir en bande dès Juin pr la montagne. Il s’en ennuierait comme il n’est pas possible, je crains qu’il ne soit pas mûr encore à cette idée.
            Ils sont allés Lundi soir entendre une conférence de Millerin [?] sur la guerre. Mais ils sont revenus indignés de ce que après avoir entendu des choses tragiques dites par un homme qui a perdu son fils unique à la guerre, le public Cettois a tenu à terminer la séance par un peu de cinéma et des rigolades. C’est bien Cettois. Suzie et Hugo ont protesté en partant.
            Voilà l’heure du courrier je te quitte en t’embrassant follement. Il me tarde bien de savoir ce qu’on a fait de toi. 

Ta maman