samedi 20 mai 2017

Sète, 20 mai 1917 – Mathilde à son fils

Cette le 20/5 1917
            Mon fils chéri 

            Encore et toujours des trombes d’eau à ne plus croire au soleil du midi. Cette nuit à onze heures nous nous battions avec Hugo, des récipients partout pr recueillir l’eau qui ruisselait par les gouttières et dire que l’on a fait tant de frais pour la propreté et pour la beauté de la maison !
            J’ai eu hier soir ta bonne carte du 14 et j’attends le retour au bureau d’Hugo à qui le facteur a donné parait-il quelque chose à mon adresse.
            Ces promenades dans le secteur sont elles bien necessaires et bien dangereuses ? Y vas-tu par ordre ou par propre satisfaction ? Tu ne nous a jamais dit où tu dormais. Tu sais combien tout cela m’intéresse.  As-tu assez de repos ? Tes nouvelles attributions t’interessent-elles ? Ah que je voudrais les voir durer dans l’avenir.
            Les évènements Russes me tourmentent bcoup. Il est de toute évidence qu’ils ont encore retardé le dénouement et que toutes les forces de là bas sont amenées sur notre front. Pourrons-nous continuer à les contenir si elles sont si puissantes ? J’ai reçu une lettre de mon brave poilu [certainement son filleul de guerre, Lalouette]. Il revient d’une attaque terrible où toutes leurs mitrailleuses ont été réduites en miettes sauf la sienne. Complimenté par son lieutenant, il attend les évènements !! C’est un si brave à qui je suis vraiment attachée. De son Bllon ils ne sont revenus que 243, et il est toujours plein de courage. Ah le soldat français, quelle merveille….
            Ce matin réception des catéchumènes, Yvonne Batailler[1] était du nombre très émue et je t’assure prtant que la cérémonie n’a pas provoqué en moi les émotions que j’ai connues jadis. C’est froid et le sermon n’avait rien. Que leur restera-t-il de ce beau jour ! Elle a tant besoin cependant notre chère paroisse de recevoir des impressions qui restent, des forces qui durent. Que Dieu supplée à l’insuffisance de l’homme.
            Hugo m’a lu hier une lettre très grave [?] en réponse à une d’oncle Axel, très digne où il refuse ses offres d’association en lui disant le pourquoi… les difficultés à prévoir plus tard avec ses gendres… les regrets peut-être pour Rudy d’avoir cette obligation… enfin il refuse et je ne puis le blâmer.
            Et cependant [Edouard] Houter pense que ce sont là toutes les visées de Hugo. Axel le traitera surement d’orgueilleux.
            Il dit à son oncle, entre autres choses, qu’il reste chez lui en reconnaissance de ce qu’il a fait pour ses parents[2] mais que du jour où cela n’irait plus il trouverait tjours ailleurs une situation.
            Je t’écris dans la tranquillité de notre grande maison, le Dimanche, et cependant il faut me hâter car le soleil timide parait et j’ai promis de promener Elna. Ns allons aller à G[fin du mot illisible] chez les Almairac.
            Mon grand aimé de fils je te serre le plus tendrement possible sur mon cœur tout plein de toi.
Tendresses de tous 

Ta maman           

            Mon poilu a cherché à te voir mais il était plus loin que votre corps.
            Murel [?] était au chemin des dames au 67e.

[1] Yvonne Batailler était la petite-fille de Néri Julien et de Jeanne Jalabert, membres de la paroisse protestante et amis de Mathilde. Elle était la fille de Marie Julien, épouse du docteur Adrien Batailler.
[2] Rappel : Hugo Ekelund, le beau-frère de Jean, avait rencontré la famille Médard car il était un neveu d’Axel Busck, armateur suédois installé à Marseille et époux de Fanny Benoît, la sœur de Mathilde (la mère d’Hugo était la sœur d’Axel Busck). Par son mariage avec Suzanne Médard, Hugo Ekelund s’était donc retrouvé neveu par alliance des Busck, en plus de l’être par le sang.