samedi 29 avril 2017

Sète, 29 avril 1917 – Mathilde à son fils

Cette le 29/4 1917
            Mon bien aimé 

            En partant hier pr la petite plage, ou ns avons passé une ou deux heures de solitude et de recueillement Suzie et moi j’ai trouvé ta lettre si ardemment désirée. Ns l’avons lue et relue là-bas, le cœur affreusement étreint devant toute la souffrance que nous devinons, sans pouvoir en comprendre l’immensité car cela est effroyable. Mon petit mon cher petit quelle tempête a du se déchainer dans ta belle âme prtant si paisible si peu faite pr ce qui lui est demandé. Il faut que Dieu soit bien sûr de toi pr que tu sois à même de reagir et de poursuivre cette sombre route et je le supplie avec toute la ferveur possible de t’aider afin que tu n’aies pas de défaillance. Je le bénis aussi sans cesse de ns tendre sa main secourable, il me semble si clair que ta mission d’officier de liaison t’a sauvé cette fois par sa grâce. Penses-tu être encore appelé à ce poste ? et crois-tu retourner incessamment vers la tempête.
            J’ai été voir tante Anna hier au soir ou plutôt Melle Corgin qui était venue le matin. Ces dames m’affirmaient qu’après une pareille tourmente tu serais au repos quelque temps mais je ne le crois pas. Hélas ai-je raison ? Je pense sans cesse au petit [Claude] Gonin si gentil garçon, à sa famille dans le desespoir, à [René] Candillon à toutes ces figures connues ou connues par toi et je me demande ce qu’il reste autour de toi ce des visages qui t’étaient sympathiques. Tu dois te sentir si dépaysé.  Que ne puis te voir, te serrer sur mon cœur, te faire sentir l’immense amour de ta mère.
            Alice vient de nous quitter pour quelque temps ; elle a été se reposer, se refaire, elle est vraiment maintenant une véritable invalide. Ns aurons bien à faire car Suzie est à ménager et son morceau de fille bien fatigant. Nous nous proposons de monter pr la dernière fois à la villa de Suède raccommoder quelques tapisseries déchirées par Na, puis nous irons dire adieu à Madame Fabre qui repart demain pour le Tarn. Le Norvégien a dejeuné ici, il est tout à fait simple et bon garçon, voilà [Paul] Corteel remplacé. Ce dernier est en possession d’une nombreuse famille. Ont débarqué ici, la sœur de sa femme avec quatre enfants, le mari a été gardé comme otage. Ils vont venir tous ns rejoindre à la villa. J’accompagne pour m’occuper de bébé et je ne désire qu’une chose, la solitude et le calme pr pouvoir mieux penser à toi.
            Je n’ai rien su d’Hervé. J’espère qu’ils ont de ses nouvelles. Les Caffarel Louis ont perdu leur second fils [Henri Caffarel (1897-1916)].
            Je t’embrasse avec ma tendresse infinie. 

Ta vieille maman 

            Tu me dis que tu n’étais pas avec le Bataillon pr l’attaque mais avec le Colonel, mais puisqu’il était presque en tête étais-tu là avec lui ? Dis-moi le nom de ton colonel blessé et celui du Général.
            Sont-ce les mitrailleurs qui ont fait tant de mal ?
            Je reçois ta lettre du 23. Je suis aussi ahurie de tous ces changements. Je suis fière et confiante en tes capacités. Dieu te dirige.