4/4/1917
Maman chérie
Nous avons le plus lamentable moi
d’Avril qu’on puisse imaginer. La pluie et la pluie, et une pluie froide
par-dessus le marché.
Dans la zone des armées cette pluie
se complique toujours d’une boue innomable. Hier après-midi pourtant une petite
eclaircie, nous sommes descendus La Morinerie et moi au village voisin[1]
où nous avons vu quelques camarades du 1r bataillon et revu des
civils. Le civil est une espèce que nous avions perdue de vue depuis quelque
temps.
Je ne pense d’ailleurs pas que nous soyons encore ici
pour bien longtemps. Comment vont tes oreilles ? Oui la maison doit être
bien agréable maintenant qu’elle est installée. Je la vois très bien d’ici.
Pendant que j’écris je reçois ta bonne lettre du 1r.
Je me hate pour que le vaguemestre puisse prendre ma lettre. C’est terrible
cette surdité. Il me tarde de savoir ce que pense Dollard.
Ce qui est terrible aussi ce sont les cachotteries de
tante Berthe.
Le vaguemestre part.
Je t’embrasse.
Jean
[1]
Sans doute Courcelles-sur-Vesles, puisque le JMO indique que le 1er
bataillon y était cantonné.