11/4/1917
Maman chérie
La grande danse n’a pas encore
commencé ; ou du moins si les Boches dansent déjà pas mal, nous, pas pour
le moment. Ma vie se passe surtout dans une péniche où ns avons Le Gall,
Deconinck et moi tout le confort moderne. Nos ordonnances nous font la cuisine,
ns avons des couchettes avec sommiers, matelas et draps.
Souvent nous allons rejoindre le
colonel [Théron], travaillons et mangeons avec lui. En somme très bonne vie.
Hier je suis allé faire un tour en
ligne avec Le Gall et Seligman, un officier de la Brigade. Ça ne manquait pas
d’interet… Je ne desespère pas de voir Hervé [Leenhardt][1].
Il s’en est fallu de très peu que
nous ne fassions le « coup dur » ensemble. Il est officier de liaison
d’artillerie avec le régiment voisin. S’il avait été designé pour le 132e
ns aurions été aussi proches, voisins de combat qu’on peut l’être puisque notre
place de chacun aurait été le plus souvent auprès du colonel… en tout cas nous
aurions mangé, dormi ensemble.
Mais, je renonce à rien te raconter.
Chaque fois que je commence une phrase, une histoire, je demande si ça ne va
pas compromettre la defense nationale.
Qu’il te suffise de savoir que je
suis tout à fait « en forme » au physique et au moral, très confiant
Mon seul regret est d’être séparé de mes poilus.
Je suis avec vous avec tendresse et
ferveur.