samedi 22 avril 2017

Berzy le Sec, 22 avril 1917 – Jean à sa mère

22/4/1917
            Maman chérie           

Hier j’aurais du t’ecrire. Je n’ai pu que dormir. Aujourd’hui encore je suis assez vaseux. Maintenant pourtant c’est le vrai repos.
Les dernières nouvelles que j’ai eu d’Hervé [Leenhardt] étaient bonnes. Je l’ai vu une fois, après la première attaque. Cette première attaque, journée du 16, a été très dure. Au 2ème Baton elle ns a couté en tués, outre le commandant [Antoine Rivals], le capitaine [René] Candillon (5ème), St Lieut [Claude] Gonin (6ème tu le connaissais – le petit aspirant qui avait pris le thé avec ns et Getaz à Chartèves) Lieut. [Emile] Jesson (7ème), S/Lieut [Gaston] Mellinette et [Georges Etienne Soter] Baillot (Cie de Mitrailleurs). Tu connaissais aussi ce dernier, tu trouvais qu’il ressemblait à un officier de marine. En blessés : capitaine adjudant major Dufour, S/Lt Millière, S/Lt Bouchez, [Roger de] La Morinerie. Le Commandant [Antoine Rivals] était en tête de combat, il a eu une mort magnifique. Le colonel [Théron] aussi était presque en tête sur le petit groupe qui l’entourait peu sont revenus indemnes. Lui, notre brave colonel blessé à la cuisse, son capitaine adjoint [Gabet] la figure traversée d’une balle, [Lucien] Soula, off. du canon de 37 tué, etc, etc.

Source : collections BDIC

"Baillot (Cie de Mitrailleurs), tu [le] connaissais, tu trouvais qu’il ressemblait à un officier de marine"
"le capitaine Candillon (5ème)" 

"St Lieut Gonin (6ème) tu le connaissais – le petit aspirant
qui avait pris le thé avec ns et Getaz à Chartèves), Lieut. Jesson (7ème)"

"S/Lieut Mellinette (Cie de Mitrailleurs)" -  "le commandant"

"Soula, off. du canon de 37 tué"

"etc, etc." ... les deux autres officiers du régiments tués le 16 avril

"etc, etc." ... les deux officiers du régiments tués le 17 avril,
et tous les autres, jamais nommés.
           Au bout d’une demi heure le regiment se trouvait presque sans officiers et sans commandement. Petit à petit les choses se sont retablies. Le Commandant du 1er Baton [Adrien] Perret a pris le commandement du regiment. Malgrès nos pertes et nos fatigues nous avons attaqué de nouveau le lendemain soir et ds la nuit les boches lachaient le terrain…. et quel terrain.
Je me suis trouvé par hasard au petit jour en première ligne devant un terrain vide. Souvenirs inoubliables…. je ne puis pas tout raconter. J’ai penetré dans un abri somptueux où j’ai trouvé un poste de secours rempli de boches blessés, d’infirmiers boches et des blessés de chez nous qu’ils avaient fait prisonniers la veille en contre attaquant. A coté un poste de commandement très bien meublé rempli de cigares, de liqueurs, de provisions de bouche, etc. Nous avons encore poursuivi les boches toute la matinée, presque atteint le Chemin des Dames. Le soir, absolument fourbus, ns étions bien en reserve, le lendemain soir toute la division était relevée.
            Excuse cette lettre idiote, je suis absolument abrutti.
Je t’ai bien dit que je n’étais pas avec le Bataillon pour l’attaque, mais avec le colonel [Théron]. Pour moi, ma mission a été beaucoup plus fatigante que dangereuse.
Je suis rentré ce matin à ma Cie. Par miracle, pas un seul tué à ma section, mais des masses de blessés. L’artillerie boche était musclée, rien que des mitrailleurs.
Tendresses 

Jean