lundi 17 avril 2017

Sète, 17 avril 1917 – Mathilde à son fils

Cette le 17/4 1917
            Mon enfant chéri 

            Depuis que je t’ai écrit pr la dernière fois, avant-hier, j’ai eu la joie d’avoir deux cartes de toi pr l’apaisement momentané de mon cœur ; une hier, du 9, qui me parle de ta journée de Pâques qui a été pr moi si angoissante à ton sujet et je rends grâce à Dieu de toute mon âme qu’elle ait été dans le calme relatif et paisible sans [mot illisible] pr toi et ce soir je viens de lire celle du 11 arrivée en six jours, cette fois. Béni soit Dieu qu’alors tu n’aies pas encore été dans la tempête. Mais hélas depuis, les journaux ne me laissent guère d’illusions.
            Oui j’aurais aimé vs sentir au travail ensemble Hervé [Leenhardt] et toi. Je sais qu’il est déjà dans la fournaise. Oncle Eugène [Leenhardt] m’écrit ce matin qu’on a eu des nouvelles du 9. Il me dit aussi d’être satisfaite de tes nouvelles attributions tjours à cause du combat à la baïonette.
            Comme cet aménagement dans une péniche doit être agréable si on pouvait y demeurer. Qui est ce Deconinck ? Oui raconte moi tout ce que tu peux sans enfreindre les ordres. Si tu savais ce que sont pour moi les moindres détails. Je ne vis que de cela et pr cela – et les journées sans message sont des siècles, et moi j’ai de nouveau manqué le courrier aujourd’hui, moi qui puis faire passer avant toute chose le moment où je suis complètement à toi. Mais ns avons eu une après-midi [mot illisible] Mmes Duclaux [Alida Auriol ép. Duclaux], Möller [Karin Möller], Corteel, Mr et Mme Pont se sont trouvés réunis. Oncle Axel qui est arrivé hier soir, Hugo sont venus un moment et l’heure du courrier est passée.
            Na a fait les honneurs et bcoup d’embarras [?] avec ses amis Paul [Corteel] et André [Corteel][1].
            Oncle Axel semble être là pr un certain temps, il s’est installé dans la chambre que tu occupais et prête son concours à Hugo tjours très occupé.
            Les nouvelles ce soir ns racontent les prouesses de nos chers soldats, une victoire magnifique à laquelle tu as participé sûrement mon enfant bien aimé. Mon cœur est partagé ; et si je l’ai accueillie avec joie il m’est permis d’être dans une angoisse affreuse. Que Dieu nous vienne en aide !
            J’ai reçu en même temps que ta carte de hier un ravissant coupe papier ciselé par mon brave Lalouette. C’est absolument artistique et m’a fait un bien grand plaisir. Pauvre enfant, il m’annonce aussi « le coup dur » très prochain, il est plein de courage et d’ardeur. C’est aussi un brave – que vs êtes beaux, que vs êtes grands ! Tu es le brave des braves et je t’aime de toutes les forces de mon âme.
            Reçois tout mon amour 

Ta maman 

            Tous ici t’envoient force tendresses.

[1] Paul Corteel (né en 1912) et André Corteel (né en 1914) étaient les fils de Paul Corteel et Andrée Bertin. Avec leur mère, ils avaient pu rejoindre à Sète leur père qui y était réfugié depuis mai 1915.