jeudi 11 décembre 2014

Pont-Saint-Esprit, 11 décembre 1914 – Jean à sa mère


Pont-St-Esprit Vendredi 11/12 14
            Ma chère Maman 

            Me voici de nouveau à Pont-St-Esprit. Il me tarde de te donner de mes nouvelles et pour cela je me suis vite precipité dans mon ancienne chambre que j’ai trouvée innoccupée, que je reoccupe avec plaisir et où, jusqu’à nouvel ordre, je vais même pouvoir coucher en parfaite indépendance.
            Hier matin l’adjudant s’est donc décidé à nous donner les resultats de l’examen. Je n’ai pas été surpris d’être reçu ; je ne sais d’ailleurs pas mon rang qui ne doit pas être très  brillant.
            Nous ne sommes partis qu’à 4 heures ½ du soir et j’ai fait passer le temps comme j’ai pu en bavardages, lectures, etc.  Voyage long, mais pas extremement fatigant. J’ai été en seconde tout le temps et ai pu assez bien dormir. Nous sommes rentrés triomphalement à Pt St Esprit avec les galons d’Elève officiers que nous nous étions empressés, pendant le trajet, de recoudre sur nos manches.
            Impression un peu triste. Il pleuvait. Tout nous paraissait vide, la grande majorité des camarades étant partie, les autres restant gentils, mais un peu jaloux.
            L’évenement de la journée a été la presentation du commandant du depot, un petit vieux très gentil qui nous a dit qu’il nous considerait dès à present comme aspirants, devant prendre nos repas au mess des sous-off et partager le regime de ceux-ci. C’est ce que nous avons fait. Ces derniers se traitent fort bien, je t’assure. Et c’est fini pour le moment du regime de la gamelle. Chaque repas nous coute 6 sous, ce qui sera d’ailleurs largement rémunéré par la solde de 2 frcs par jour que nous toucherons lorsque nous serons officiellement aspirants.
            Enfin et surtout le commandant nous a laissé esperer quelques jours de congé au moment de notre nomination. Malheureusement, comme ns serons probablement changés de corps, ça ne dépendra pas de lui. Esperons qd même.
            Comme ma compagnie couche encore sur la paille et que, actuellement, il y regne un saint desordre, comme nous sommes des hors d’œuvres à la veille de notre depart du corps, nous coucherons en ville ; moi dans mon ancienne chambre.
            Je suis obligé de te quitter, car le jour baisse et je n’ai pas encore de lampe.
            Si c’était vrai, quand même, qu’on va  pouvoir être réunis chez soi !
            Je t’embrasse de tout mon  cœur.

J. Médard
Elève officier de reserve
27ème Cie
55e de ligne
Pont-St-Esprit