mercredi 28 février 2018

Luxeuil-les-Bains, 28 février 1918 – Jean à sa mère

28/2/18

Ma chère Maman

Je ne te gâte pas beaucoup ; et pour comble de malheur quand je t’écris une lettre je commence par l’oublier dans ma poche. Ce qui est triste pour moi c’est que je n’ai pas reçu une lettre depuis que je suis ici. C’est l’isolement complet. A part ça, la vie continue un peu monotone, mais très supportable. Par exemple je perds absolument mon temps. Je vois heureusement beaucoup Seigneur qui est interessant et son Americain qui l’est encore plus. Il est très « fédération »1, et la federation americaine semble bien decidée à nous soutenir de toutes ses forces. Je trouve qu’ils ne se rendent pas assez compte qu’il y a des choses qu’ils ne peuvent pas faire à notre place et que leur influence sera limitée par le fait qu’ils sont americains. Mais leur appui materiel et spirituel après la guerre, c’est enorme. Je ne sais plus rien du 132e, naturellement. Je suis seul de mon regiment, et même seul fantassin comme stagiaire. Tous les autres sont des artilleurs.

Tendrement à vous tous
Jean
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1 Il s’agit de la Fédération des associations chrétiennes d’étudiants, dont Jean est un membre très actif. Il en sera d’ailleurs le secrétaire après la guerre. La « Fédé » avait des sections dans de nombreux pays, dont bien sûr les États-Unis.