vendredi 28 avril 2017

Chazelles, 28 avril 1917 – Jean à sa mère

28/4/1917
            Maman chérie 

            Je viens de recevoir votre paquet. Votre gateau fera notre regal aux desserts de ce soir et de demain.
            Notre sejour ici a l’air de se prolonger, ainsi que le repos.
            J’ai rejoint hier la 5e cie et le 2ème Baton et j’avoue que je suis affecté comme jamais par nos pertes. Il a deja plus de nouvelles figures que d’anciennes. Nous qui étions si unis. Une demi-heure a suffi pour faire le vide.
Source : JMO du 132ème R.I. - 20 avril 1917
            Parmi les nouvelles figures, celle de mon capitaine, commandant pour le moment au moins la 5e Cie, et recemment affecté au 132, le capitaine Fauveau[1]. Il est très gentil. Nous nous sommes trouvés tout de suite en pays de connaissance, bien qu’il soit de Lille. Figure toi que c’est le cousin et le parrain de Madame Corteel, et qu’il reçoit des lettres du n° 3 du quai Aspirant Herber [La mère de Jean habitait au n° 4 !]. Tu vois que j’ai de la chance dans mon épreuve. C’est un type supérieur à tous les commandants de Cie que j’ai eu jusqu’à maintenant. Mais il est un peu accablé par toutes les difficultés et les souffrances que la guerre entrainent pour lui : séparation, ruine, etc.
            Ce matin, un oncle de [Georges Etienne Soter] Baillot est venu nous demander des details sur sa mort. Mme Rivals a su la mort de son mari par Combemale qui est toujours à l’hopital et qu’elle venait voir régulièrement.
            Je t’ai dit que j’avais eu la visite du nouvel aumonier divisionnaire Mr [Louis] Guilliny. Nous aurons – sauf evenement imprevu – un culte demain qui reunira les rares elements protestants du 132e.
            Je t’écris, maman cherie, des lettres absolument stupides. Il ne faut pas m’en vouloir. C’est n’est ni de l’abattement, ni de la paresse, mais toujours cette abruttissement qui est notre ennemi de tous les jours et surtout des journées qui suivent un coup dur.
            Je suis avec vous de toute ma pensée et de tout mon amour. 

Jean


[1] Jean, dans cette lettre, écrit « Faveau » ; mais lui comme Mathilde écriront « Fauveau » dans toutes les lettres ultérieures, et c’est d’ailleurs l’orthographe donnée par le JMO.