jeudi 6 octobre 2016

Marseille, 6 octobre 1916 – Mathilde à son fils

Villa Svéa ce 6 Octobre 1916
            Mon fils bien aimé 

            Oh écris moi, je t’en supplie puisque cela t’est possible, tu ne peux te figurer ce qu’est une journée sans lettre mais tu es un brave et tu le fais ; les courriers ici surtout ne sont pas tjours réguliers.
            Seulement je vais bien et je suis satisfaite pr un jour et alors je me jette à genoux et je rends grâce à notre père.
            J’ai eu ce matin ta lettre du 1er mon chéri tu ne me dis rien de tes souffrances. Peux-tu te reposer quelques heures de jour ou de nuit ? A-t-on remplacé le capitaine Baudin ? crois-tu que je doive lui écrire ? N’avez-vous pas encore été relevés ? et faudra t il retourner dans la mêlée ? Mon filleul Lalouette qui revient de la Somme me dit qu il ne faut pas croire que les Allemands soient dépourvus de tout, qu’ils sont encore remarquablement équipés. Mais il est plein d’espoir et de courage pr une délivrance peut être encore lointaine !!
            Merci des détails que tu me donnes sur la mort de ton pauvre ami. Je suis étonnée que sa mère n’ait pas exprimé le désir de me voir. Je lui ai écrit ce matin une lettre avec mon cœur tout vibrant de sympathie, je lui transcris ce que tu me dis et me tiens à sa disposition pr aller vers elle si elle désire m’entendre parler de ma rencontre de Chartèves avec son fils.
            Ton ami [Roger] de La Morinerie ?
            Je reçois une bonne lettre de Suzie qui m’exhorte à rentrer, craignant que j’ai trop à surmonter mes nerfs bien peu ébranlés devant ta tante. Celle-ci ne veut pas me laisser partir, prétendant que je lui suis nécessaire et qu elle est plus tranquille en ayant par moi plus vite des nouvelles.
            Je ne sais que faire.
            Il se fait tard. Les journées passent bien lentement et pour toi donc !
            Mon aimé je t’envoie toute la tendresse dont mon cœur éclate et que Dieu nous soit encore et toujours en aide.

Ta maman