Villa
Svéa ce 6 Octobre 1916
Mon fils bien aimé
Oh écris moi, je t’en supplie
puisque cela t’est possible, tu ne peux te figurer ce qu’est une journée sans
lettre mais tu es un brave et tu le fais ; les courriers ici surtout ne
sont pas tjours réguliers.
Seulement je vais bien et je suis
satisfaite pr un jour et alors je me jette à genoux et je rends grâce à notre
père.
J’ai eu ce matin ta lettre du 1er
mon chéri tu ne me dis rien de tes souffrances. Peux-tu te reposer quelques
heures de jour ou de nuit ? A-t-on remplacé le capitaine Baudin ?
crois-tu que je doive lui écrire ? N’avez-vous pas encore été
relevés ? et faudra t il retourner dans la mêlée ? Mon filleul
Lalouette qui revient de la Somme me dit qu il ne faut pas croire que les
Allemands soient dépourvus de tout, qu’ils sont encore remarquablement équipés.
Mais il est plein d’espoir et de courage pr une délivrance peut être encore
lointaine !!
Merci des détails que tu me donnes
sur la mort de ton pauvre ami. Je suis étonnée que sa mère n’ait pas exprimé le
désir de me voir. Je lui ai écrit ce matin une lettre avec mon cœur tout
vibrant de sympathie, je lui transcris ce que tu me dis et me tiens à sa
disposition pr aller vers elle si elle désire m’entendre parler de ma rencontre
de Chartèves avec son fils.
Ton ami [Roger] de La Morinerie ?
Je reçois une bonne lettre de Suzie
qui m’exhorte à rentrer, craignant que j’ai trop à surmonter mes nerfs bien peu
ébranlés devant ta tante. Celle-ci ne veut pas me laisser partir, prétendant
que je lui suis nécessaire et qu elle est plus tranquille en ayant par moi plus
vite des nouvelles.
Je ne sais que faire.
Il se fait tard. Les journées
passent bien lentement et pour toi donc !
Mon aimé je t’envoie toute la
tendresse dont mon cœur éclate et que Dieu nous soit encore et toujours en
aide.
Ta maman