Villa
Svéa ce 25 Octobre 1916
Mon fils chéri
Je reçois à l’instant ta lettre du
19 que j’ai attendu de longs jours et qui quoique remplie d’un interêt
passionnant, m’a apporté et tu le penses bien la plus vive désillusion, car je
n’ose parler de peine, puisque tu es là, sans égratignure, et que j’ai
promis de ne pas me plaindre.
La peine est amère tout de même, à
bien des points de vue pour moi pr tout ce que j’avais amassé de tendresse
contenue que j’espèrais déverser avec abondance, pour mon cœur qui avait besoin
de se réchauffer à ta tendre et chaude affection, pour tout ce que j’espèrais
savoir de vive voix et que je ne saurais pas de longtemps peut être, pour toi
surtout qui avais mérité cette douceur et qui reste à la peine au lieu d’être
au repos. Et puis faut il se réjouir de ce que tu sois versé dans les
mitrailleuses ? N’est on pas encore plus exposé ? Fanny m’assure et
ses filles aussi que c’est préférable que l’on est plus à l’abri est-ce
vrai ? dis-moi toute la vérité que je veux toujours savoir.
Es-tu couvert n’as-tu pas bien froid
dans ton abri de branchage. Comptes-tu y être longtemps ?
Une chose que j’aimerais aussi
savoir c’est si tu as pris part avec ta section à une attaque vraie, ou si tu
es resté dans les tranchées de 1ère ligne. As-tu du te battre
personnellement je ne le sais jamais. J’avais toujours pensé que, bien que tu
ne l’ai pas dit après le 7 tu avais du remonter en 1ère ligne.
Aussi je t’attendais ici très
nerveuse, très excitée, pour un peu je serais allée tous les jours t’attendre à
la gare maintenant malgrè tous les efforts faits pour me retenir, je veux
revenir à la maison, chez Suzie, où je règlerai au mieux, je l’espère la
question appartement. Peut-être serai-je là encore la semaine et partirai-je au
commencement de l’autre.
As-tu lu le beau succès de
Verdun ? mais par contre la défaite Roumaine retarde encore l’heure de la
délivrance.
Et avec l’hiver avec son triste
cortège de froid, de pluie, de souffrance. Te sers-tu de ton caoutchouc ?
Penses-tu quitter ta section et tes
chefs ? Cela te sera bien pénible.
As-tu écrit à Mme
Gétaz ?
Tante Fanny est mieux depuis hier,
si cela continue je la laisserai avec moins de regrets.
Adieu, mon bien aimé. Dieu qui
veille sur toi conduit les évènements et nous devons nous remettre confiants
entre ses mains paternelles.
Je t’envoie toute ma tendresse.
Ta vieille maman
Penses-tu être envoyé au danger
d’ici quelque temps ?