Villa
Svéa ce 29 Octobre 1916
Mon bien aimé
Un triste temps d’automne, une vraie
Toussaint toute imprégnée de noire mélancolie ; les feuilles
tourbillonnent et jonchent le sol ; il pleut, il fait froid, et, le cœur
est serré de toute cette tristesse des choses.
Je viens d’écrire à Suzie que je
différais encore mon retour, qu’elle ne m’attende pas mardi car je suis dans
l’espoir d’un beau rayon de soleil que j’attends pr rechauffer mon pauvre cœur
– tâche qu’il rayonne bientôt. Il me tarde maintenant de rentrer, mais ici on
se réjouit tant de te voir et ton ami aura une plus belle vision du midi à
Marseille qu’à Cette. Il verra aussi beaucoup de Serbes, d’Anglais et
d’Anamites, ils pullulent on ne peut circuler dans les rues.
Ce matin j’ai accompagné les enfants
à l’école du Dimanche que Bruguière présidait et pr les faire marcher nous
sommes revenus par la Corniche et le Prado, tu vois quelle bonne et belle
course j’ai faite, il faisait encore beau temps du moins au début. Ce soir je
vais entraîner Axel chez les Sylvander écœurée qu’il ait ainsi abandonné son
vieil ami gâteux tjours lui si fidèle jusqu’à la maladie. Cela ne me fait pas
grand plaisir de sortir, mais je le fais pour son bien.
Je suis heureuse que tu aies pu
passer ta journée de Dimanche à Amiens. Où la passes-tu aujourd’hui ? J’ai
reçu ta carte de ce jour par Suzie. Ils sont bien at home. C’était hier la fête
d’Hugo, je l’ai oubliée.
Bons baisers d’une maman qui grille
d’embrasser son fils.