mercredi 26 octobre 2016

Front de Somme, 26 octobre 1916 – Jean à sa mère

26-10-16
            Maman chérie, 

            Comme c’est difficile de communiquer à distance, surtout là où il faudrait une véritable conversation avec demande et reponse ; je viens de recevoir tes lettres du 20 et du 21. Eh bien ! c’est entendu. S’il n’y a pas contre ordre de ta part, nous prendrons, [Roger de] La Morinerie et moi, le rapide jusqu’à Marseille, où ns passerons une journée, lui à revoir la ville et moi à vous revoir ; nous repartirons de là pour Cette le lendemain ou ds la nuit et j’y finirai ma permission. Seulement, car il y a un seulement, cette permission partira au plus du 7 ou 8 novembre, et encore elle n’est pas absolument sure.
            S’il ne t’est pas possible de rester à Marseille jusqu’à ce moment là, rentre à Cette tout de suite, et de là tu ns accompagneras à Marseille, où je passerai au contraire le dernier jour de ma perm. Je tiens moi-même absolument à voir tante Fanny.
            Ds ce dernier cas, avertis-moi à l’avance pour que je sache si je dois te trouver à Marseille ou à Cette. Si tu crois que la lettre ne me parviendrait pas assez tôt, écris à Paris, et Mlle [Léo] Viguier que je verrai de toute façon au passage me dira ds quelle direction je dois partir. En tout cas, sauf contre ordre, je filerai droit sur Marseille.
            Maintenant, il y a la question de la maison. A distance il m’est bien difficile de te donner même des conseils. La guerre se charge si bien de demolir les plans d’avenir que le mieux serait de laisser filer les choses comme elles sont, surtout si la maison est louée et que tu rentres ds tes frais de loyer
            D’autre part s’il t’est difficile, ou même impossible, de refuser ce que Mr Caffarel te demande – et je comprends que ça peut l’être – tu peux toujours exiger qu’il te laisse une pièce de derrière pour tes meubles en attendant qu’Hugo trouve la maison rêvée, en attendant la fin de la guerre, en attendant, quoi.
            Je viens de recevoir deux bonnes lettres de Suzon des 18 et 20. Elle me raconte toutes les gamineries de la petite. Je pense qu’il te tarde de la revoir, mais je trouve aussi que tu es bien à ta place à Marseille en ce moment et que si tante Fanny te desire auprès d’elle tu n’as qu’à y rester.
            Je suis peiné de voir stationnaire l’état de cette dernière. Dis-le lui. Vous avez l’air, elle et toi de vous excuser en me demandant de passer une partie de permission à Mazargues. Ce sera au contraire une joie pour moi ; et puis c’est tellement naturel. L’ideal se serait de faire le tour de France, à la recherche de tous ceux qui sont chers, sans avoir pour cela à s’éloigner de toi.
Tendresses à toi, maman cherie, à tante Fanny, à vous tous 

Jean