24-10-16
Maman chérie,
Bonne journée aujourd’hui ;
j’ai reçu mon courrier qui était en souffrance au 132e. Un paquet de
lettres : les tiennes du 14, 15, 16, 17, 18, 19.
La pluie s’est remis de la partie,
et le petit écolier consciencieux d’autrefois s’est arrangé pour disposer de
son après-midi et pour écrire enfin à Madame Gétaz ; j’étais honteux de ne
pas l’avoir encore fait, mais impossible de le faire posément.
Source : Mémorial GenWeb |
Un autre general dont les journeaux
ont encore parlé ces jours-ci était mon voisin de table l’autre jour à l’hotel
à A. [Amiens]. Il a du être blessé le lendemain même.
C’est Sainte-Claire Deville[1],
l’inventeur du frein hydraulique du 75.
Si, comme je l’espère fortement et
comme on nous l’a promis, nous partons en permission à la fin des cours, je
serai très heureux de venir à Marseille, surtout Suzanne et la petite y étant.
Si elles ne peuvent pas y venir il sera possible de partager ma permission
entre Cette et Marseille.
Maintenant, [Roger de] La Morinerie ayant exprimé le desir de
passer 2 ou 3 jours de sa permission ds le Midi, je l’avais invité à venir à la
maison en toute simplicité, dans le cas probable ou nous partirions ensemble.
Mais lui va aussi volontiers à Marseille qu’à Cette et tante Fanny acceptera
bien pour 2 jours un hote de + dans sa maison elastique. Il n’y a d’ailleurs
pas à se mettre en frais pour lui.
Je le sais bien que tu ne vivais pas
tant que tu me sentais en danger. Il me semble que je suis coupable envers toi
de te donner de pareilles transes. Et pourtant ! Nos pertes du regiment
ont été plus fortes qu’à Verdun ; mais ce sejour a quand même été moins
dur pour moi malgrès sa longueur parceque ma section a été moins éprouvée.
Je crois bien être débarassé de mes
totos. Mais non sans peine. J’étais en bonne compagnie. Le colonel et le
commandant avaient leur part. Ce dernier pretendait que je lui avais passé
quelques uns des miens.
Dans mon volumineux courrier, une
bonne lettre de tante Fanny. Remercie-là de son affection que je sens très
forte. J’ai reçu aussi une bonne lettre affectueuse de Mlle [Léo]Viguier,
qui me donne des nouvelles de tous, une carte de Mercier que sa surdité empêche
de devenir aspirant, une d’André Bellais, l’ami de Gétaz.
Il faut te quitter. Il est tard et
je tombe de sommeil. Je vais m’enfoncer dans mon « sac à viande », un
beau sac de couchage en caoutchouc, très très chaud pour la nuit.
Ce soir j’ai gagné 7 sous au bridge.
Tendrement
Jean
[1] Sainte-Claire Deville, Charles-Etienne (1857-1944). Polytechnicien, général de division.