samedi 4 février 2017

Sète, 4 février 1917 – Mathilde à son fils

Villa de Suède le 4 février 1917
            Mon chéri 

            Ce matin j’ai eu la surprise de recevoir ta carte du 29. Mais je n’y comprends rien car ta dernière lettre que j’ai reçue avec celle du 27 le 1er était aussi datée du 29. N’importe, tu me donnes de bonnes nouvelles et je suis heureuse de te sentir à peu près remis.
            Le temps en chambre a du te paraître long, dans une solitude que tu as certainement mise à profit. Pr moi, cela est du repos au lit, donc à la chaleur et j’aime bien mieux cela que de te sentir exposé à ce froid extraordinaire. Ici cela devient une véritable souffrance, et pour vous donc ! voilà pour moi la souffrance c’est de la sentir si terrible pr vous tous !
            J’ai attendu ce soir un peu de tranquillité pr t’écrire. J’en ai moins que dans la journée. Suzie a été très fatiguée pendant le repas, un peu par l’odeur du tabac de ces messieurs, elle est allée se coucher après avoir restitué son repas[1] et je suis entrain de lui préparer une infusion chaude et un cataplasme.  Que ne puis-je en faire autant pour toi. Pendant que je termine hativement ces lignes, ces messieurs commentent la nouvelle que Mr Sabatier est venu en personne annoncer à Hugo cette après-midi la rupture des relations diplomatiques entre les Etats Unis et l’Allemagne. C’est une grande chose grosse de conséquences. Ah ! si cela allait jusqu’à la guerre ouverte entre ces deux puissances, rapprochant la fin avec la victoire ! Je n’ose plus me réjouir de rien.
            A demain un plus long bavardage. Mr [Paul] Corteel attend ma lettre et Suzie son cataplasme.
            je t’embrasse de tout mon cœur. 

Ta mère qui t’aime bien

[1] Suzanne était alors au début de sa seconde grossesse, qui devait aboutir à la naissance, le 30 août  1917, de son fils Pierre Ekelund.