Villa de Suède le 4 février 1917
Mon chéri
Ce matin j’ai eu la surprise de
recevoir ta carte du 29. Mais je n’y comprends rien car ta dernière lettre que
j’ai reçue avec celle du 27 le 1er était aussi datée du 29.
N’importe, tu me donnes de bonnes nouvelles et je suis heureuse de te sentir à
peu près remis.
Le temps en chambre a du te paraître
long, dans une solitude que tu as certainement mise à profit. Pr moi, cela est
du repos au lit, donc à la chaleur et j’aime bien mieux cela que de te sentir
exposé à ce froid extraordinaire. Ici cela devient une véritable souffrance, et
pour vous donc ! voilà pour moi la souffrance c’est de la sentir si
terrible pr vous tous !
J’ai attendu ce soir un peu de
tranquillité pr t’écrire. J’en ai moins que dans la journée. Suzie a été très
fatiguée pendant le repas, un peu par l’odeur du tabac de ces messieurs, elle
est allée se coucher après avoir restitué son repas[1] et je suis entrain de lui préparer une infusion chaude et un cataplasme. Que ne puis-je en faire autant pour toi.
Pendant que je termine hativement ces lignes, ces messieurs commentent la
nouvelle que Mr Sabatier est venu en personne annoncer à Hugo cette
après-midi la rupture des relations diplomatiques entre les Etats Unis et
l’Allemagne. C’est une grande chose grosse de conséquences. Ah ! si cela
allait jusqu’à la guerre ouverte entre ces deux puissances, rapprochant la fin
avec la victoire ! Je n’ose plus me réjouir de rien.
A demain un plus long bavardage. Mr
[Paul] Corteel attend ma lettre et Suzie son cataplasme.
je t’embrasse de tout mon cœur.
Ta mère qui t’aime bien
[1]
Suzanne était alors au début de sa seconde grossesse, qui devait aboutir
à la naissance, le 30 août 1917, de son fils Pierre Ekelund.