9/2/1917
Maman chérie
Hier je t’ai envoyé une lettre que
j’ai oublié de faire partir. Je puis te repeter aujourd’hui ce que je te disais
hier, car nos journées se ressemble. Le matin au saut du lit je pars pour
l’exercice. Au retour de l’exercice, après le rapport nous montons au village
où cantonne le reste du bataillon, où Millière et G. [K.G. anonymisé par
l’auteur du blog] ont leur chambre et où nous faisons popote.
Puis on retourne à la ferme, puis
sur notre plateau glacé. On y retrouve le reste du bataillon ou même du
regiment et on rentre au coucher du soleil avec la peau cuite par ce vent
froid, et les membres engourdis. C’est alors que je t’écris ds ma chambre. Ma
chambre est très bien surtout depuis que je puis y allumer du feu. Elle est ds
la ferme où cantonne la compagnie. Une grande ferme modèle où ns voisinons avec
des prisonniers boches qui font de la « kulture ».
J’ai reçu tes bonnes lettres des 3 et
4. J’espère que votre état sanitaire s’est amélioré depuis cette date. Les
petits accrocs dont tu parles n’ont d’ailleurs rien d’alarmant.
Si la photo dont tu parles est si
bien que ça on pourrait en faire faire une demie douzaine de plus et en donner
aux oncles et tantes. Comme tu voudras.
Comme toi je me suis rejoui beaucoup
de la rupture diplomatique entre Amérique et Allemagne ; même si les
choses en restaient là, et je ne le crois pas, ce serait incalculable de
conséquence et ça abregerait certainement la guerre. Et puis enfin on voit de la
diplomatie propre ; un pays se décider simplement pour une question de
dignité et de conscience.
Adieu, Maman chérie, tendrement à
vous.
Jean