C’est dans la région où nous arrivons que sont intervenues
les troupes de Gallieni au moment de la bataille de la Marne. D’innombrables
tombes restent là, témoins de ces combats. Les villages sont en partie démolis
et les cantonnements médiocres. Je n’ai pas de chambre. Or avoir une chambre
n’est pas seulement le privilège de coucher dans un lit, c’est la possibilité
de s’isoler, de lire ou d’écrire. Pourtant je ne reste pas longtemps à partager
avec mes poilus la grange de la ferme modèle où nous sommes cantonnés. La fille
des fermiers au bout de deux ou trois jours me cède sa chambre en m’affirmant
qu’elle a pu s’installer confortablement près de ses parents. Un magnifique feu
de bois m’attend même dans cette chambre. La gentille attention de cette jeune
fille est naturellement l’occasion de plaisanteries sans fin de la part de mes
camarades.
Mémoires de Jean Médard, 1970 (3ème partie, La guerre)