21/2/1917
Maman chérie
Merci de tes lettres de 17, 18, 19.
Il m’est absolument impossible de te
dire les jours où je t’ai écrit et les jours où je ne t’ai pas écrit pour que
tu saches si mes lettres ne se perdent pas. Je ne me rappelle pas. Je sais
seulement que je ne t’écris pas absolument tous les jours.
La compagnie quitte ce pays ci
demain pour aller faire des travaux plus près du front – rassure-toi, pas à
portée des marmites. Je ne sais pas combien de temps ça va durer. Il n’est pas
impossible qu’on revienne ici. Le colonel [Théron] y reste avec quelques élements du
regiment. Moi, je reste jusqu’à Samedi. Je partirai alors en chemin de fer, et
je devancerai de 24 heures les compagnies, qui elles doivent faire les étapes à
pied.
Il ne fait plus froid du tout ;
pluie et boue.
Mardi soir nous avons fait des
crêpes à la ferme. Ce fut très gai. Je n’ai pas du tout le coup de main. Je
viens de lire un livre qui m’a beaucoup impressionné, le Feu d’A. Barbusse. Un
changement de secteur, je croyais de t’avoir dit, est un simple changement de
numéro. Je suis toujours dans la division d’Hervé [Leenhardt]. Merci de vos
vœux pour ma fête. Ne t’excuse pas de n’y avoir pas songé + tôt. Si ceux
mesuraient [sic] mon affection à mes temoignages pour leurs fêtes ils auraient
une bien fausse idée de cette affection Surtout ne m’envoie rien, je n’ai
besoin de rien. Tante Fanny m’a envoyé des friandises.
Mille tendresses
Jean