lundi 5 novembre 2018

Marseille, 5 novembre 1918 – Mathilde à son fils

Villa Svéa ce 5/11 1918

Mon bien aimé

Une journée lumineuse aujourd’hui au sein des sombres jours qui m’ont enveloppée.

Suzie m’a expédié une carte de toi du 27 qui était accompagnée d’une lettre urgente d’oncle Fernand [Leenhardt] me disant que Gilbert [Leenhardt] t’avait vu Vendredi dernier que tu allais bien et que la Division devait être actuellement dans un secteur plus calme. Je me suis jetée à genoux et j’ai béni Dieu de toute mon âme. Ce soir j’ai eu ton mot du 30.

Carte de Jean Médard à sa mère, réexpédiée de Sète à Mazargues
où Mathilde s'était rendue après la mort de son beau-frère Axel Busck

Peut être mon Jean est-ce ta dernière lutte avec l’ennemi. Peut être vais-je voir finir cette angoisse de toujours qui me tue. Que Dieu est bon. Tu peux bien maintenant me dire où tu es actuellement.

Que te dire de notre vie ici. Je suis très surmenée et absorbée par les petits. Ta tante, Annie et Rudy [Busck] très pris par les occupations que donnent cette grosse succession. Tante Fanny pense à tout s’occupe de tous. Il y a des heures très sombres mais elle se reprend et je l’admire bien d’être aussi forte. Moi je reste avec mes regrets.

L’occasion se présente de faire quelque chose pr ta tante. Veux-tu m’y aider ? Rudy part demain pour l’Alsace il est près de Wesserling à Villers. Il aimerait être reçu chez les Scheurer et ta tante le souhaite ardemment. Elle aimerait surtout qu’il trouve sur son chemin une aimable petite Alsacienne simple et bonne. J’ai dit combien tu étais affectueusement reçu chez ces excellentes gens et que surement ton cousin germain introduit par toi serait aussi bien reçu. Rudy est devenu tout à fait charmant, simple et bon désireux de faire du bien et de continuer tout ce que son père faisait de bon. Il en est touchant.

Je te prierais donc d’écrire à Mme Scheurer pr lui demander de permettre à Rudy de se présenter chez elle.

Voici l’adresse de ton cousin

Brigadier Rudolphe Busck
A 46 P 13-73
par convois automobiles
Paris

N’oublie pas et agis vite si tu le peux.

Je te laisse un peu hâtivement pour aller coucher mes petits. Je dormirai mieux cette nuit.

J’attends impatiemment des détails sur votre avance et votre action. Tu sais combien cela me tient et interesse ton beau frère.

Tu feras bien aussi d’écrire un peu plus longuement à ta tante. On t’aime beaucoup ici et l’on pense à toi. Moi de toute mon âme.

Ta mère qui t'aime
Math. P Médard

J’oubliais de te prévenir de la mort de Mr G. [Gaston] Herrmann. Tu ferais bien d’écrire à Mr Jacques [Herrmann].