Verso de la lettre écrite par Jean le 26 novembre 1918 à Bischwiller sur papier en-tête de la manufacture de draps Goellner & Hirsch, membres de la famille de "tante Anna". |
Ma chère Maman
Je t’abandonne un peu, mais c’est moins grave maintenant que tu es rassurée à mon sujet. J’espère que je pourrai être plus régulier à partir d’aujourd’hui car notre existence vagabonde semble prendre fin. Et nous nous fixons, devines où ? A Bischwiller dont j’ai entendu parler chez tante Anna pendant toute mon enfance1. Je loge chez une mère de la 2me Mme Louis Schwebel, qui s’appelle Mme Goellner ou Mme Hirsch, je ne sais pas très bien encore2. Nous venons à peine d’arriver et je reprend mon journal là où je l’ai laissé il y a 3 ou 4 jours.
Le lendemain [23 novembre] je me suis rapproché de Strasbourg – à 6 kil [à Vendenheim, cf. le JMO]. Toujours le même acceuil enthousiaste de la population et toujours pour moi la petite déception de trouver un pasteur rien moins que francophile – celui-là valait d’ailleurs beaucoup mieux que l’autre malgré les moustaches à la Guillaume. Il m’a reçu d’une manière absolument paternelle, et l’on pourra peut-être en faire quelque chose.
Le lendemain [24 novembre] à Brumath, on ne m’a heureusement pas logé chez le pasteur, car ce dernier était non seulement boche de sentiment, mais de race. Tu vois que ça devient humiliant. A Brumath nous sommes restés deux jours. Le premier jour revue de Pétain, defilés, acclamations, bals, musique, enfin toute la lyre.
Le deuxième jour, hier [25 novembre 1918], nous nous sommes echappés à Strasbourg. Nous n’avons vu que très peu la ville, mais nous avons vu la joie de toute une population. C’est inimaginable.
Défilé à Strasbourg le 25 novembre 1918 Source : Picclick - CPA |