(Je reprends ma lettre interrompue hier où je l’avais laissée).
Entrée des soldats français à Bischwiller le 23 novembre 1918 Source : Notre Famille (site communes.com) |
Nous avons commencé la journée sur le balcon d’un boche d’où l’on voyait admirablement le defilé et nous l’avons fini en farandoles et rondes autour de la statue de Kléber et par les rues avec une Alsacienne sous chaque bras. Tout le monde finit par être un peu gris, gris d’enthousiasme – c’est tellement extraordinaire cet acceuil.
Pense que toutes les maisons alsaciennes – et elles sont nombreuses – à Strasbourg et dans le moindre village sont pavoisées de drapeaux tricolores. Et ça represente une somme incalculable d’ingéniosité. Si les femmes ont encore les mains noires c’est qu’elles ont teint en secret leurs draps en bleu et en rouge pour pouvoir faire des drapeaux.
Défilé à Strasbourg le 25 novembre 1918 Source : Picclick - CPA |
Quand aux boches ils sont tellement plats qu’ils ont souvent voulu pavoiser aussi à nos couleurs. Mais les Alsaciens ne l’ont pas permis et les alsaciens eux-mêmes ont arraché les drapeaux.
Mais avec tout ça je ne t’ai pas encore parlé de Bischwiller.
Nous y sommes arrivés hier soir, venant de Brumath, après avoir defilé ds Haguenau [le 26 novembre] – encore un beau souvenir.
Entrée des soldats français à Bischwiller le 23 novembre 1918 Source : Notre Famille (site communes.com) |
Je t’ai parlé de mes hôtes qui sont touchants. On ne peut plus compter les attentions. Ce matin j’ai fait connaissance de la famille de tante Anna, Mr et Mme Alfred Bertrand et leur fils, Mme Hirsch, Melle Anna Schmidt1, un jeune Mr Bost et sa jeune femme. Je les ai vu à la mairie où les notabilités nous ont reçu. On a bu, on a pleuré, on a chanté la Marseillaise.
Les dames de la ville ont remis au colonel un don de 1000 marks pour les veuves du 132e.
Puis je suis allé chez les A. Bertrand. Lucien [Benoît, le fils de tante Anna] nous a rejoint. On nage dans la joie. Pour comble de bonheur, j’ai enfin été présenté à un pasteur très français. Trois des pasteurs de Bischwiller sur 4 sont français2.
Je te quitte. Autrement cette lettre ne partirait encore pas aujourd’hui.