5-12-16
Maman chérie,
Les jours ne se sont peut être
jamais passé pour moi avec autant de monotonie. Je ne m’en plainds pas, puisque
ce travail de jour est presque un repos pour moi ; hier avant de
m’endormir et ce matin j’ai encore expedié un roman de Balzac.
La pluie s’est remis de la partie,
ça nous promet des bains de boue + complets que ceux de Balaruc, mais tant que
nous sommes en reserve il n’y a que demi-mal. On se protege facilement de la
pluie dans nos trous quand on est pas en première ligne, et on se protège du
froid aussi. Tu ne peux croire ce qu’un simple trou dans la terre peut être
chaud lorsque l’ouverture est à peu près bouchée, meme par une simple toile de
tente. La chaleur animale n’est pas un mythe. Et l’odeur ? Je crois avoir
presque complètement perdu le sens de l’odorat.
Je mange toujours beaucoup, et
toujours nous pouvons faire chauffer notre nourriture : petit feu, alcool
solidifié, etc.
Mes hommes ? Je paye un peu mes
voyages d’une compagnie ds une autre, puis je n’ai pas pu les reprendre en main
pendant le repos puisqu’ils étaient au repos et moi au cours du D.D.
Beaucoup de nouveaux. Puis ils sont
lassés. Puis il y a de ma faute. Cette permission ratée m’a donné une sale
mentalité et m’a souvent fait vivre ds l’idée fixe de la permission à venir que
ds le devoir present.
Le successeur du cap. Baudin ne dit
pas grand-chose pour le moment. Quand au docteur Bourgeaud, on peut dire qu’il
n’a jamais été remplacé. Il fallait du devouement, et ces nombreux successeurs
qui n’avaient pas ce devouement ont rarement passé plus de 2 ou 3 jours au
milieu de nous. Tout ce que tu me racontes de la gosse m’amuse beaucoup.
Tendrement
Jean