Source : JMO du 132ème RI - 31 octobre 1918 |
Ma chère Maman
Rassure-toi à mon sujet. Nous sommes relevés cette nuit et si rien de serieux n’arrive d’ici demain nous gagnerons bientôt une zone où l’on entend plus ni arrivée, ni depart, pour quelque temps au moins je l’espère.
Hier nous avons eu la peine de perdre [Charles] Galais, l’officier du canon de 37 qui était un excellent camarade. (Le successeur de Soula). Il faisait partie de notre petit groupe de l’Etat Major du régiment et l’on ressent toujours davantage la perte de ceux avec qui on a pris l’habitude de vivre.
J’ai herité de son ordonnance, car Ouvier vient d’être evacué pour la grippe. Au front c’est une maladie plus rare et surtout plus benigne qu’à l’arrière, où l’épidemie prend vraiment des proportions impressionnantes.
Je viens de recevoir ta lettre du 27. Je vois d’ici comme les journées de solitude et de deuil sont lugubres. Nous aussi nous sommes tristes, malgré la relève ; c’est parceque nous venons de perdre un bon copain, parce que les pertes du regiment n’ont pas été compensées comme les deux dernières fois par des succès marqués. La resistance boche devient de plus en plus forte. Et puis ces deuils de l’arrière si répétés, si dechirants qui s’ajoutent à la mort des soldats !
Cette épreuve de [Daniel] Loux qui s’ajoute à tant d’autres est terrible. Je ne connaissais pas sa sœur, mais j’ai été troublé et peiné comme par un deuil personnel. Et cette pauvre tante Fanny. Je t’assure que je pense bien à elle.
La victoire viendra belle et complète comme nous l’avions révée, mais la joie de la victoire et de la paix sera bien mélée.
[Charles] Grébert, que tu as connu au lazaret a été tué le 24 septembre. Encore une perte bien douloureuse.