Ma chère Maman
Nous voici reposés et installés dans une région bien différente de celle que nous quittons, non loin du village où j’eus la joie il y a deux ans de rencontrer [Albert] Léo1. Nous y entendons le canon d’un secteur où nous nous sommes battus il y a beaucoup moins longtemps. Je crois que nous sommes là pour quelque temps.
Le voyage s’est passé sans incident. Il a été beaucoup plus rapide que le dernier. Ce qui lui donne sa physionomie c’est le passage par Paris – on rase les fortifs. Dès qu’on arrive ds la grande banlieue ce n’est que des acclamations qui ne cessent seulement quand on en sort. On crie, on s’envoie des baisers, c’est une veritable enthousiasme melé d’un peu de cafard chez ceux qui calculent qu’ils sont à quelques centaines de mètres de chez eux. Nous avons croisé beaucoup d’americains, propres et contents.
Nous ne savons pas ce qui nous attend, secteur, offensive ou defensive. On se pose peu la question, étant habitué à vivre au jour le jour.