Alice Herrmann (1897-1990) en 1916 Future épouse de Jean |
Et le mariage ? Je pense depuis longtemps à Alice Herrmann. On nous taquinait autrefois sur notre amitié d’enfants. Ces dernières années nous nous sommes à peine entrevus. Mais elle réunit à mes yeux toutes les qualités d’intelligence, de charme, d’énergie et de bonté. J’aime sa nature à la fois ardente et paisible.
J’ai gardé une grande réserve car je sais que je ne la vaux pas et puis il y a aussi cette différence de situation entre sa famille et la mienne qui, dans la bourgeoisie dresse parfois entre les jeunes gens des barrières infranchissables. Pourtant s’il m’arrivait d’arrêter ma pensée sur une autre j’avais l’impression d’une sorte d’infidélité vis-à-vis d’Alice.
Maintenant, je sais qu’elle est devenue membre active et ardente de la « Fédé », qu’elle a de fermes convictions chrétiennes, nous appartenons à ce petit groupe, qui est dans l’église une famille à part. La perspective change. Elle s’associerait à ma tâche de pasteur et comprendrait le ministère comme moi. J’ai la conviction que rien ne peut plus nous séparer. Mais je ne veux rien montrer de mes sentiments tant que la guerre n’est pas finie.
Ma sœur, qui est ma confidente, m’a fait remarquer qu’Alice pourrait être demandée par un autre que moi. Elle m’a proposé de voir Madame Herrmann et de lui faire part à la fois de mes sentiments et de mes scrupules. Si un autre se déclare Alice sera ainsi prévenue et saura qu’il n’est pas le seul sur les rangs. C’est entendu. J’apprends avec beaucoup de soulagement que Monsieur et Madame Herrmann ont accueilli cette démarche sans aucun déplaisir et avec un parfait désintéressement.
Mémoires de Jean Médard, 1970 (3ème partie, La guerre )