JMO de la 56ème D.I. – Représentation de la zone le 28 mars 1918 au matin |
Pendant la nuit le commandement essaye d’organiser une ligne continue de résistance. A l’aube notre Colonel [Adrien Perret] doit installer son P.C. un peu plus au sud, à Royaucourt. Il aura en principe sous son commandement son 3ème bataillon qui doit défendre Mesnil-St-Georges, un bataillon de territoriaux et un escadron de cavaliers à pied entre Mesnil-St-Georges et le Monchel, faubourg sud de Montdidier. On fait feu de tout bois. Il faut colmater à tout prix ce trou béant par lequel se précipite l’armée ennemie. Mais nous ne disposons pour le moment que d’un mince cordon de troupes.
Source : collections BDIC NB – Photo prise cinq jours après les évènements décrits par Jean Médard. |
Nous sommes envoyés en reconnaissance, Péchenart et moi, et trouvons bien les cavaliers et les territoriaux aux emplacements qui leur ont été assignés ;
Source : collections BDIC NB – Photo prise cinq jours après les évènements décrits par Jean Médard. |
mais Deconinck lorsqu’il s’approche de Mesnil-St-Georges reçoit des coups de feu.
Source : collections BDIC NB – Photo prise cinq jours après les évènements décrits par Jean Médard. |
Les Allemands occupent déjà le village et il n’y a pas trace du 3ème bataillon. Nous apprenons bientôt qu’on vient de le retrouver à la hauteur de la division. Il n’avait pas été atteint par l’ordre de repli. A la nuit, voyant les fusées éclairantes qui marquaient la progression allemande de dépasser de toute une coupe de forêt, le Capitaine De La Haye qui le commande a décidé de se replier vers l’ouest. C’est ainsi qu’il a atteint au petit jour le P.C. de la Division sans rencontrer âme qui vive.
Il faut qu’il reparte vers l’est et qu’il occupe Mesnil-St-Georges. Il faut que le village soit repris. Très rapidement l’attaque est préparée et déclenchée. C’est un succès complet. De Royaucourt, à la lorgnette, nous voyons le mouvement se développer sur deux fronts et nos soldats s’emparer du village comme à la manœuvre, soutenus par l’artillerie divisionnaire. Les Allemands qui avançaient sans résistance depuis plusieurs jours n’étaient pas préparés à ce coup de boutoir. Peut-être aussi s’étaient-ils trop empressés de visiter et de piller les caves. Non seulement ils perdent le village, mais ils laissent entre nos mains une compagnie de cent hommes avec le chiffre absolument disproportionné de vingt-cinq officiers.
Source : collections BDIC
NB
– Photo prise treize jours après les évènements décrits par
Jean Médard.
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Le 2ème bataillon à la fin de notre séjour reprend aussi le Monchel. Jamais le moral n’a été aussi haut.
Il est vrai que le ravitaillement n’a jamais été aussi bon. Nous vivons sur les ressources du pays, abandonné par ses habitants. Le colonel [Adrien Perret] fait tuer et rôtir des poulets qu’il envoie en première ligne, et même un veau. Par malheur ce veau appartient à la dernière habitante civile qui n’a pas voulu se laisser évacuer, bien que le bombardement devienne de plus en plus violent. On lui a pris aussi un seau. Elle se lamente : « Min viau, min siau ». On lui apporte sans peine un autre veau plus beau que le sien et un autre seau, mais elle est obligée à son tour de quitter le village.
Mémoires de Jean Médard, 1970 (3ème partie, La guerre )