mardi 27 septembre 2016

27 septembre 1916 – Front de Somme, mort d'Edouard Gétaz

 
          Le bombardement est très violent. Je perds mon meilleur ami, l’aspirant [Edouard] Gétaz, tué d’un éclat d’obus dans la tête. Il était engagé volontaire, fils du consul de Suisse à Marseille. Ma mère, en séjour à Marseille à ce moment-là, était en relation avec la sienne et a été témoin de la douleur de ses parents perdant leur fils unique, un garçon énergique, mais aussi un artiste. Sur le carnet de croquis retrouvé dans sa cantine le dernier dessin représentait un « poilu » arrêté devant un petit tertre surmonté d’une croix de bois  avec cette devise en exergue : « A qui le tour ? » 
     
Source : varredes.com
Nos tranchées semblent avoir été creusées à travers un charnier. Ici une main sort de terre et semble vouloir nous arrêter au passage, là nous piétinons pour circuler dans la tranchée un corps recouvert de boue et presque complètement enterré dans le sol.
Nous repoussons avec succès une contre-attaque ennemie. Nous recevons non seulement des obus allemands, mais des français. En vain lançons-nous des fusées pour demander l’allongement du tir. Un jeune officier d’artillerie qui est venu se rendre compte sur place est assez mal reçu par les poilus exaspérés. « Vous voyez bien pourtant que ce n’est pas moi qui vous tire dessus puisque je suis là ». Sa batterie lui donne d’ailleurs une démonstration spectaculaire. C’est tout juste s’il n’est pas tué par sa propre unité. Une pièce déréglée et en mauvais état !
Les Allemands eux sont en train de régler le tir de leurs pièces sur ce nouveau front : un coup court, un coup long. Nous attendons avec une certaine angoisse le coup au but. Après plus de quarante ans il m’est arrivé de revivre dans mes cauchemars ces réglages de tir. 

Mémoires de Jean Médard, 1970 (3ème partie : La guerre)