14/1/18
[Il
s’agit d’une erreur de date, la lettre ayant visiblement été écrite le
dimanche, qui tombait le 13 janvier.]
Maman chérie
La periode actuelle est pour moi une
des plus agreables depuis le debut de la guerre.
D’abord la perspective de rentrer
bientôt au 132me. Le colonel Maurel a décidement disparu de la
circulation – pour la grande satisfaction de tous, on peut bien le dire. Son
remplacant est designé ; il n’est pas encore arrivé.
Pour aussi agreable que puisse être
la vie ici après un pareil changement, je demanderai au colonel Biesse[1]
– c’est le nom du nouveau titulaire – de reprendre mon ancienne affectation, ce
qu’il ne peut pas me refuser – ces refus là c’était bon pour le colonel Maurel.
Ne te fache pas de cette demarche. Elle est normale, étant donné qu’il n’y a pas de travail pour 4 ici, que j’y suis parfaitement inutile. Elle s’accorde d’ailleurs très bien avec mon petit egoïsme : un peu moins de bien être – ce bien être me pèse plus qu’il ne me plait – pas plus de peril. En effet en cas de coup dur il y a des chances pour que je reprenne mes fonctions d’officier de liaison et il vaut mieux dans ce cas être sous les ordres de n’importe qui plutôt que sous ceux de mon ancien patron.
Ne te fache pas de cette demarche. Elle est normale, étant donné qu’il n’y a pas de travail pour 4 ici, que j’y suis parfaitement inutile. Elle s’accorde d’ailleurs très bien avec mon petit egoïsme : un peu moins de bien être – ce bien être me pèse plus qu’il ne me plait – pas plus de peril. En effet en cas de coup dur il y a des chances pour que je reprenne mes fonctions d’officier de liaison et il vaut mieux dans ce cas être sous les ordres de n’importe qui plutôt que sous ceux de mon ancien patron.
Cette perspective de reprendre ma
place normale m’enlève tout scrupule d’être ici et de n’y rien faire. Quand le
132e était à K. [Kruth] j’allais le voir presque tous les jours.
Maintenant c’est surtout la présence de Guy [Leenhardt] qui met un peu de couleur
dans ma vie. C’est vraiment un chic garçon. Avant-hier soir nous avons diné
ensemble en tête à tête.
En contrepoint de la lettre de Jean,
le carnet de Madeleine Stamm, la plus jeune fille de
ses hôtes
(Transcrits en violet : les passages où les deux textes se font écho.) |
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Suite
de la lettre de Jean
Hier matin nous devions
déjeuner ensemble chez les Stamm, au dernier moment il a été obligé de
décliner cette invitation étant de garde.
J’ai dû faire le culte
ce matin, J. Monnier ayant fait faux bond. Bien entendu, n’étant pas prévenu
à l’avance j’ai supprimé le sermon. Ns déjeunons chez les Stamm, le Cpte
de Ronseray, le Ctne Recopé de Tilly et moi. Les Stamm ont été
charmants, Mr seul est protestant, mais tous sont excellents –
Madame, un fils mobilisé et deux jeunes filles qui sont là.
Après le déjeuner le vétérinaire
est venu recoudre un petit chien qui avait été décousu par un chevreuil.
C’était une forte émotion pour la propriétaire.
Puis Monsieur Stamm
s’est mis au pianola et nous avons passé une délicieuse après-midi à écouter
du Beethoven, des Liszt, du Brahms, du Grieg, etc.
Le soir 3 capitaines
dinaient avec nous ; ce fut très gai. D’ailleurs tous ces jours-ci nous
sommes très gais comme des prisonniers libérés.
Au revoir Maman chérie,
Tendrement à toi
Jean
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Carnet
de Madeleine Stamm
13
janvier1918
Crac
s’est fait blesser ce matin par le chevreuil il était entré dans son parc et
le chevreuil pour se débarrasser du chien lui a donné un bon coup de sabot.
Il a une entaille de 10 [cm] au moins heureusement pas profonde, on a tout de
suite appelé le vétérinaire de [mot illisible] qui lui a mis 2 épingles. Il
l’a très bien soigné.
Nous
avons eu à déjeuner Ronseray, Recopé et Médard. On avait aussi invité le
petit Leenhardt et Pomier qui n’ont malheureusement pas pu venir.
Après déjeuner on a recousu Crac et ensuite Papa a joué du pianola jusque vers 4 hres. Ils avaient l’air absolument ravis ils ne voulaient plus s’en aller, que c’est donc dommage qu’ils s’en aillent j’en suis désespérée.
Van
de Wall et Chargrasse sont venus, eux aussi s’en vont c’est désespérant. Il
part le 19 il se [mot illisible] malheureusement.
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Source : Wesserling, mémoires familiales Stamm-Binder, site richement documenté d'Olivier Le Roy, arrière-petit-fils de Léon et Marie-Louise Stamm, petit-fils d'Yvonne Stamm (épouse Binder) et petit-neveu de Madeleine. (N.B. - La photo ci-dessus de Madeleine a été recadrée. Photo originale ici.) |
[1] Jean écrit « Biès », mais l’orthographe correcte est Biesse.