dimanche 3 juillet 2016

Sète, 3 juillet 1916 – Mathilde à son fils

Villa de Suède ce 3 Juillet 1916
            Mon Jeanot bien aimé 

            Ce matin tristement penchée sur les bas de la maison que je raccomodais j’ai levé lentement la tête en entendant la voix du facteur et sans confiance, lorsqu’il a dit : 2 carte et lettre pr Mme Médard, je me suis mise à trembler si fort que je ne pouvais les ouvrir et qu’on a du me donner un petit cordial… Je suis vaillante hein !! Que ferais-je moi, sous les obus ?
            Ns ns sommes réunies toutes les femmes de la maison sans excepter Elna pr lire cette missive si fort espérée ! Je ne pouvais arriver au bout et vite je me suis jetée à genoux pr bénir, pour adorer, pour remercier notre Père.
            Mais se peut-il mon Jean chéri que toi à qui je voudrais enlever les moindres aspérités du chemin, tu aies du supporter de pareilles souffrances ? Vraiment on a exigé que vs remontiez le soir même du jour où vous êtes revenus de la tourmente ? mais comment avez-vous pu franchir la distance ? Comment avez-vous pu tenir encore cinq jours ? sans dormir n’est-ce pas ? Oh ! c’est affreux, affreux, je ne puis y arrêter ma pensée !
            Pourquoi n’avais tu pas pris des provisions de route ? Ns t’avons envoyé déjà au moins cinq paquets, helas ils sont venus trop tard, mais n’en as-tu reçu aucun ? il en part deux ce soir de Suzie, un de moi – dis nous si tu les reçois garde les conserves pr le moment nécessaire, dis moi aussi ce qui te serait bon. N’as-tu pas besoin de linge ? N’as-tu pas encore reçu ton costume il est parti depuis un mois au moins.
            Je pense avec amertume à la tristesse que tu as éprouvée devant la mort de ton brave poilu ! est ce celui qui est sur la photo – pauvres pauvres enfants si courageux ! Que Dieu est bon de t’avoir protegé ainsi. Tu le vois …. je ne sais plus que dire… Mon cœur est trop plein.
            Que cette photo m’a fait plaisir, comme tu es bien pourquoi ne dis-tu pas où tu étais sur ce beau cheval ? Seras-tu bientôt ss lieutenant. J en suis bien heureuse pour toi, bien fière aussi, si cela ne doit pas t’exposer davantage.
            Et puis, tu fais luire à mes yeux une chose qui m’etreind le cœur de joie. Une permission ? Je pourrai encore te serrer dans mes bras ! mais s il y a offensive générale ?
            Suzie attend ces lignes, je vais y mettre un terme pr ce soir.
            Penses tu être longtemps au repos.
Mille baisers 

Ta mère