lundi 11 juillet 2016

Sète, 11 juillet 1916 – Mathilde à son fils

Villa de Suède le 11 Juillet 1916
            Mon grand aimé 

            Nous venons de lire tes cartes du 7. J’avais été ravie de la rapidité avec laquelle elle ns arrivait. Pense deux jours ! Je m’aperçois que tu as du te tromper de date ! Comme c’est long même au repos ! et difficile de correspondre dans une intimité parfaite. Lorsque je te demande un détail il est passé tant de jours avant que je sache que d’autres évènements plus immédiats seraient plus interessants à savoir. C’est ainsi et il faut être reconnaissants de pouvoir vous prendre [?] ! J’ai tant souffert d etre privée de cette chère ecriture quand aurai-je mieux que cela et pourrais-je un peu assouvir mon besoin de tendresse qui me fait mal ! Quand sera-t-elle cette permission ? Mr Rolland est ici : il a dit que ce serait long encore, pas un an au moins, en tout cas la fin ne sera pas vite arrivée ! Mais alors !!! Je pensais que tu étais au camp pour longtemps ? Retourneras-tu au repos après cela et seras-tu nommé tout-de-suite ?
            Nous avons eu M. [Jacques] Herrmann [futur beau-père de Jean] à dejeuner ce matin. Malheureusement Hugo n’est pas rentré. Alice [Herrmann]  dejeunait ce matin chez les Bois, à Montauban[1]. Mr Herrmann trouve Mr Bois un peu trop ferme, trop froid. Il regrette qu’un homme de cette valeur ne s’ouvre pas un peu pr faire profiter ceux qui ont le privilège de l’approcher.
            Je ne te vois pas fumant la pipe. Que ce doit être drôle et amusant. Pauvre bien aimé va ! ce qu’il faut faire pr te distraire de pensées qui doivent être bien sombres !
            J’espère que, à l’heure actuelle, tu me sais rassurée sur ton sort ! Mais pour combien de temps.
            Madeleine [Benoît] est ici pour dîner, sa mère [la tante Anna] arrive demain ns allons voir ensemble Mme Benker.
            Ah ! comme tu sourirais au petit bout elle est intéressante au possible sympathique qu’on ne peut l’approcher sans l’aimer. Comme son parrain  quoi ! et c’est le plus beau cadeau que tu pourras lui faire.
            Ah ! j’oubliais. Suzie a décidé son mari à la prendre à Paris où il va pour affaires. Si cela tient ils partiront Vendredi et je serai à la garde de ma petite.
            Adieu pour ce soir. Des tendresses tout plein de ta maman
            A-tu reçu de l’argent de Suzon Elle t’écrira demain et t’envoie un gros [mot illisible] 

[1] Alice Herrmann avait entretenu  une correspondance spirituelle avec Herni Bois (doyen de la faculté de théologie de Montauban).