dimanche 24 juillet 2016

Chartèves, 24 juillet 1916 – Jean à sa mère

24-7-1916
            Maman cherie, 

            Ma permission ne pouvant vraisemblablement se déclancher avant 20 jours d’ici, choisis :
            ou bien pars tout de suite pour la montagne avec la petite.
            ou bien viens me voir ici.
            Il n’est pas sur que j’y sois encore quand tu y arriveras, et alors argent et illusions perdus ; mais qui ne risque rien n’a rien. Si tu te decides à venir voilà ce qu’il faut faire.
            Nous sommes à Chartèves, sur la Marne, à 10 kil à l’est de Château-Thierry. Ns sommes encore dans la zone des armées, mais separés de la zone de l’interieur par la Marne seulement.
            A Paris tu demandes au commissaire de police un laisser passer pour Château-Thierry ; si on te demande q. chose tu vas voir ta cousine Mme Ganthier.
 
Source : Notre Famille
          
A la gare de Château-Thierry tu demandes au commissaire un laisser passer pour Mézy qui est encore dans la zone de l’intérieur. Il te l’accorde facilement (Ta cousine était à Mezy alors que tu pensais la trouver à Château) De Mezy, si je ne suis pas parvenu à l’avance, tu me fais savoir ton arrivée par n’importe qui, un employé de la gare, un gamin, etc. Là je m’arrangerai pour te faire passer le pont. Tu n’es plus qu’à 2 kil de Chartèves. Si tu ne peux pas aller plus loin que Château-Thierry, tu m’envoies de là un message et je tâcherai de t’accrocher.
            Si tu as de l’arrêt à Paris tache de voir Mlle [Léo] Viguier 14 rue de Trévise, ou Mme [Suzanne] Monnier, 83 bd Arago. Elles y sont peut-être encore et elles t’aideront. Naturellement si tu connais d’assez grosses legumes pour venir directement à Chartèves fais-le. Si tu veux me faire savoir q. chose de Mezy ou de Château ecris plutôt à Mme Vve Rolland, chez qui je loge.
            Un moyen encore plus simple me dit-on à l’instant c’est de prendre une voiture directement de Château-Thierry ici.
            Tu verras. Si tu ne te sens pas le courage d’affronter toutes ces difficultés. Ne viens pas je le comprendrai trop bien.
            D’une part je ne sais pas du tout quand j’aurai ma permission, mais d’autre part je ne sais pas du tout si quand tu seras arrivée, moi je ne serai pas parti. Si tu agis, agis donc vite.
Tendrement  

Jean
 
            Ici il me sera très facile de te loger.