lundi 5 octobre 2015

Sète, 5 octobre 1915 – Mathilde à son fils


Cette, le 5 octobre 1915
            Mon grand bien cheri, 

            Quand auras-tu quelques mots de ta maman ? qui ne te quitte prtant jamais en pensée et te suit heure par heure. Mais [mot illisible] possibilité d’écrire ? Tu sais heureusement ce qu’est ma vie et tu m excuseras car elle s’est encore compliquée ns n’avons plus de garde, ni Marie-Louise qui est partie sans prevenir Suzie, ni personne pendant que le docteur était là. Elle venait de me demander de compter avec elle, elle n’avait pas fait le dîner mais je pensais qu’elle prendrait congé de ta sœur. Tout le monde est satisfait de ce depart, même Hugo. Suzie vient de passer deux excellentes journées ; elle a le meilleur appétit possible, le lait semble un peu revenir ; de ce côté tout serait bien si on pouvait être heureux et se rejouir.
            Je suis rentrée samedi de la gare bien douloureusement tu le sentais et je n’ai pu longtemps m’appesantir sur ma détresse. Jenny était venue ns rejoindre à la gare ou elle ne ns avait plus trouvés elle est montée ici me dire que les Bouscaren avait téléphoné pr ns prévenir de l’aggravation du mal chez Pierre [Benoît].
            Dimanche matin j’étais encore au lit, toute à ma tristesse, me reposant un peu en vue de la nuit à passer en perspective lorsque tante Jenny est venue me dire que tout était fini. Il est mort je crois dans la nuit de Vendredi. Je ne puis réaliser cet affreux malheur. Je suis là ne sachant que dire à ta pauvre tante dont je mesure la douleur ! et je suis persuadée qu’elle n’y survivra pas. J’aurais voulu attendre pour te dire cette horrible chose, mais je pense que tu voudras écrire à ta tante. Ns avons eu hier Yvonne [Yvonne Bouscaren, l’épouse de Lucien Benoît, le frère aîné de Pierre] qui ne sait pas plus. Du reste la carte que je t’adresse et que tu as reçue Dimanche te dira tout ce que ns savons. Je ne sais ou écrire. Je n’ai fait encore que télégraphier. Ces dames sont-elles encore à Gérardmer ou à Nancy. Tu devrais écrire à Nancy. Hugo me dit qu’il avait toujours été pensable que Pierre ne pourrait supporter l’amputation. Seuls les hommes très sains, qui n’ont fait aucun excès se remettent ! et puis on l’a faite trop tard. Je suis toute désemparée, je ne puis réaliser.
            J’ai reçu ta carte de Paris. Je ne savais où t’écrire à Châtelaudren. Mais il me tarde de savoir ce que tu as trouvé, toutes tes impressions et je te prie de ne pas me les marchander.
            Jane [Jane Busck, épouse Picard, cousine germaine de Jean] est heureusement tjours là. Que ferions ns sans elle ? Je suis si lasse par ces nuits incomplètes. Mon bien aimé que Dieu ait pitié qu’il soit tjours près de toi. Ns t’embrassons tous et moi bien tendrement, plus que jamais. 

Ta mère affectionnée
Math P. Médard