Ma chère Maman,
Si ce n’était ce malheureux retard de permission, je ne serais vraiment pas à plaindre. Car en somme il est difficile de voir et de faire autant de choses interessantes que j’en fais et vois ces jours-ci.
Voilà mon journal depuis hier après-midi, c’est-à-dire mon depart du 132 ; et tu veras que mes dernières 24 heures ont été bien remplies : j’ai pris la voiture médicale, et j’étais deux heures après à L. [Lure] la ville voisine. Il me fallait attendre le train qui partait à 7 h, le lendemain matin. Je suis allé à l’hopital voir Bronner, un officier du regiment qui avait été blessé quelques jours avant par éclat de grenade, puis d’autres officiers du regiment qui faisaient à la gare la police des permissionnaires. Après diner se donnait à la maison un concert symphonique, executé presque entièrement par des premiers prix du conservatoire. J’ai eu la veine de le savoir et de pouvoir y assister. Je crois que je n’ai pas entendu d’aussi belle musique de ma vie… Pour un type qui en est sevré !
De bonne heure ce matin un autre officier stagiaire, d’artillerie, et moi nous prenions le train pour L. [Luxeuil]-les-Bains où se trouve l’escadrille de Ducamp, celle où je dois suivre mon cours. Malheureusement, Ducamp vient de partir en permission, mais ses compagnons nous ont très bien acceuillis, cette après-midi j’ai fait mon premier vol avec enthousiasme et sans dégobiller. Mais la place me manque pour te raconter tout ça.
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