vendredi 3 mars 2017

Mont-sur-Courville, 3 mars 1917 – Jean à sa mère

3/3/1917
            Maman chérie 

            Je n’ai rien reçu de toi aujourd’hui Mais je n’ai rien à dire moi qui t’ai laissé 3 jours sans lettres.
            Je ne t’ai pas dit grand-chose de ma vie ici. Ici c’est un village pas très loin de celui où j’ai retrouvé le regiment en rentrant de permission[1]. Le 1er Janvier j’avais même essayé d’y arriver pour voir René de Richemont [cousin de Jean côté Leenhardt] qui y était cantonné. Je n’ai eu alors ni le temps ni la force d’y arriver. Je crois t’avoir raconter en son temps cette équipée. C’est un de ces villages qui étaient peut-être délicieux avant la guerre et qui sont maintenant bourrés de soldats et noyés de boue. La population civile est aigrie, blasée, mefiante. Aussi les heures y sont facilement couleur de boue. Pourtant j’ai tord de me plaindre. Nous n’allons au travail qu’à tour de role G. [K.G. anonymisé par l’auteur du blog], Millière et moi, ce qui me donne des loisirs ; par dessus le marché je puis profiter de ces loisirs pour lire et écrire. Je viens de lire un beau livre d’André Gide « la Porte étroite » puis de Rudyard Kipling. Je comprends très bien ce que tu me dis de tes difficultés pour attacher ton attention à une lecture. Je lis très mal et mes lectures me profitent peu.
            Je n’ai encore aucun écho de la journée du 25.
            A quel moment pensez-vous demenager.
            J’ai reçu une lettre de tante Fanny, qui m’avait envoyé une lettre et de l’argent au secteur 175. Je n’ai encore reçu ni la lettre ni l’argent. J’espère que ça viendra.
            Je suis avec vous de toute ma pensée et de toute ma tendresse 

Jean

[1] Il était alors à Saint-Agnan (Aisne), qui se trouve à 36 km de Mont-sur-Courville, où des carrières ont effectivement longtemps été exploitées.