28-11-16
Maman chérie,
Abrits somptueux à plusieurs mètres
sous terre, avec couchettes, paille, etc. On part de là pour aller travailler
le jour ; mais mon tour de travail n’arrive pas souvent, et je mène ma vie
souterraine.
Bref nous ne demandons qu’à rester
là tant que le regiment sera en ligne. On est assis sur le bord de sa
couchette, on lit ou on ecrit, ou on grignotte un biscuit à la lueur de la
bougie ; de temps en temps une goutte d’eau s’écrase sur le papier,
filtrée par la craie.
Dehors une brume très epaisse et
très froide.
Voilà le courrier qui m’apporte une
lettre de toi et une carte de Mlle [Léo] Viguier. Quelle peine tu as du avoir avec
cette marmaille. Na [Elna Ekelund] et
Lilou [Léon Benoît, fils de Georges Benoît et Suzanne Bergis] faisaient-il bon menage.
Et la maison, n’avez-vous rien de
nouveau en vue ? Et les locataires à qui tu avais sous-loué, les avez-vous
balancé ? Et ton demenagement quand penses-tu le faire ?
Ah ! le soleil, la lumière, la
paix du Midi, et surtout la douceur du foyer ! Comme il me tarde d’avoir
cette toute petite ration de 7 jours de bonheur.
J’en reviens à notre vie puisque le
moindre detail t’interesse tant.
Nous sommes très bien ravitaillés Linpens
monte presque tous les jours et nous apporte tout ce qu’il nous faut pour
manger, boire et fumer – même des cigares de luxe. Kiki est toujours le même
type débrouillard et nous procure tout.
A propos de Linpens. Quelque chose
qui t’interessera. Il se marie. Ou plutôt il attend avec impatience sa
prochaine permission pour regulariser[1].
Adieu,
maman cherie, je t’embrasse tendrement
Jean
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